Les deux papas se mirent a rire, embrasserent chacun leurs gentils
petits garcons, et s'en allerent en promettant que j'irais a la foire et
qu'ils y viendraient avec les enfants et avec moi.
--Ah! me dis-je en moi-meme, ils doutent de mon adresse! C'est etonnant
que les enfants aient plus d'intelligence que les papas!
Le jour de la foire arriva. Une heure avant le depart, on fit ma
toilette bien a fond; on m'etrilla, on me brossa jusqu'a m'impatienter;
on me mit une selle et une bride toutes neuves: Louis et Jacques
demanderent a partir un peu en avant, pour ne pas arriver en retard.
--Pourquoi irez-vous en avant, demanda Henri, et comment irez-vous?
_Louis_:--Nous irons sur Cadichon, et nous partons devant parce que nous
n'irons pas vite.
_Henri_:--Vous irez tous les deux seuls?
_Jacques_:--Non, papa et mon oncle viennent avec nous.
_Henri_:--Ce sera joliment ennuyeux de faire une lieue au pas.
_Louis_:--Oh! nous ne nous ennuierons point avec nos papas.
_Henri_:--J'aime encore mieux aller en voiture, nous serons arrives bien
avant vous.
_Jacques_:--Non, puisque nous partirons longtemps avant vous.
Comme ils finissaient de parler, on m'amena tout selle et tout pomponne;
les papas etaient prets; ils placerent les petits garcons sur mon dos,
et je partis doucement, pour ne pas faire courir les pauvres papas.
Une heure apres, nous arrivions au champ de foire; il y avait deja
beaucoup de monde pres du cercle indique par une corde, ou l'ane savant
devait montrer son savoir-faire. Les papas de mes petits amis les firent
placer avec moi tout pres de la corde. Mes autres maitres et maitresses
nous rejoignirent bientot et se placerent pres de nous.
Un roulement de tambour annonca que mon savant confrere allait paraitre.
Tous les yeux etaient fixes sur la barriere; elle s'ouvrit enfin, et
l'ane savant parut. Il etait maigre, chetif; il avait l'air triste et
malheureux. Son maitre l'appela; il approcha sans empressement, et meme
avec un air de crainte; je vis d'apres cela que le pauvre animal avait
ete bien battu pour apprendre ce qu'il savait.
"Messieurs et mesdames, dit le maitre, j'ai l'honneur de vous presenter
MIRLIFLORE, le prince des anes. Cet ane, messieurs, mesdames, n'est pas
si ane que ses confreres; c'est un ane savant, plus savant que beaucoup
d'entre vous: c'est l'ane par excellence, qui n'a pas son pareil.
Allons, Mirliflore, montrez ce que vous savez faire; et d'abord saluez
ces mess
|