ait a atteindre et meme a depasser la caleche. J'allais comme le
vent; les enfants etaient enchantes.
--Bravo! criaient-ils. Courage, Cadichon! Encore un temps de galop! Vive
Cadichon, le roi des anes.
Ils battaient des mains, ils applaudissaient.
--Bravo! criaient les personnages que je depassais sur la route. En
voila-t-il un ane! Il court tout comme un cheval. Allons, hardi, bonne
chance et pas de culbute!
Les papas et les mamans, qui etaient echelonnes le long du chemin,
n'etaient pas tres rassures; ils voulurent me faire ralentir, mais je
ne les ecoutai pas, et je n'en galopai que mieux. Je ne tardai pas a
rattraper la caleche; je passai triomphalement devant les chevaux, qui
me regardaient avec surprise. Se trouvant humilies, eux qui etaient
partis avant, d'etre depasses par un ane, ils voulurent aussi se mettre
au galop; mais le cocher les retint, et ils furent obliges de ralentir
leur pas, tandis que j'allongeais le mien.
Quand la caleche arreta a la porte de l'eglise, tous mes petits maitres
et maitresses etaient deja descendus de voiture, et moi, je m'etais
range le long d'une haie pour avoir de l'ombre; j'avais chaud, j'etais
essouffle.
A mesure que les parents arrivaient, ils admiraient ma vitesse, et ils
faisaient compliment aux enfants sur leur equipage.
Le fait est que nous faisions un bon effet, ma voiture et moi. J'etais
bien brosse, et bien peigne; mon harnais etais cire, verni; il etait
seme de pompons rouges; on m'avait mis des dahlias panaches rouge et
blanc au-dessus des oreilles. La voiture etait brossee, vernie. Nous
avions tres bon air.
J'entendis par la fenetre ouverte la ceremonie du bapteme; l'enfant cria
comme si on l'egorgeait. Camille et Pierre, un peu embarrasses de leurs
grandeurs, s'embrouillerent en disant le _Credo_; le cure fut oblige
de les souffler. Je jetai un cou d'oeil a la fenetre: je vis la pauvre
marraine et le malheureux parrain rouges comme des cerises, et les
larmes dans les yeux. Pourtant, ce qui leur arrivait etait bien naturel,
et arrive a bien des grandes personnes.
Quand la petite Marie-Camille fut baptisee, on sortit de l'eglise pour
jeter aux enfants, qui attendaient a la porte, les dragees et les
centimes. Aussitot que le parrain et la marraine parurent, les enfants
crierent tous ensemble: "Vive le parrain! vive la marraine!"
Le panier de dragees etait pret; on l'apporta a Camille, pendant qu'on
donnait a Pierre le panier de centimes. Camille
|