prit une poignee et
la fit retomber en pluie sur les enfants; la commenca une veritable
bataille, une vraie scene de chiens affames. Les enfants se disputaient
les dragees et les centimes: tous se precipitaient vers le meme point;
ils s'arrachaient les cheveux; ils se battaient, ils se roulaient par
terre, ils se disputaient chaque dragee et chaque centime. Il y en eut
la moitie de perdus, foules aux pieds, disparus dans l'herbe. Pierre ne
riait pas; Camille, qui avait ri aux premieres poignees, ne riait plus,
elle voyait que les batailles etaient serieuses, que plusieurs enfants
pleuraient, que d'autres avaient la figure egratignee.
Quand ils furent remontes en voiture:
--Tu avais raison, Pierre, dit-elle; la prochaine fois que je serai
marraine, je donnerai les dragees a tous les enfants, mais je ne les
jetterai pas.
--Ni moi les centimes, dit Pierre, je les donnerai comme toi.
La voiture partit; je n'entendis pas la suite de leur conversation.
Les miens remonterent dans mon equipage. Mais, cette fois, les papas et
les mamans voulurent nous accompagner.
--Cadichon a produit son effet, dit la maman de Camille; il peut revenir
plus sagement, ce qui nous permettra de faire la route avec vous.
--Maman, dit Madeleine, est-ce que vous aimez cet usage de jeter aux
enfants des dragees et des centimes?
_La maman_:--Non, ma chere enfant, je trouve cela ignoble: les enfants
deviennent semblables a des chiens qui se battent pour un os. Si jamais
je suis marraine dans ce pays-ci, je ferai donner des dragees, et je
ferai porter aux pauvres l'argent qu'on depense en centimes, perdus en
grande partie.
_Madeleine_:--Vous avez bien raison, maman; tachez, je vous en prie, que
je sois aussi marraine pour faire comme vous dites.
_La maman, souriant_:--Pour etre marraine, il faut avoir un enfant a
baptiser, et je n'en connais pas.
_Madeleine_:--C'est ennuyeux! J'aurais ete marraine avec Henri. Comment
nommeras-tu ton filleul, Henri?
_Henri_:--Henri, comme de raison; et toi?
_Madeleine_:--Je l'appellerai Madelon.
_Henri_:--Quelle horreur! Madelon! D'abord ce n'est pas un nom.
_Madeleine_:--C'est un nom tout comme Pierrette.
_Henri_:--Pierrette est plus joli; et puis, tu vois bien que Pierre a
cede.
--Je pourrai bien ceder aussi, dit Madeleine en riant: mais nous avons
le temps d'y penser.
Nous arrivions au chateau; chacun descendit de voiture et alla defaire
sa belle toilette; on m'enleva aussi mes p
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