et des idees.
J'ai ecrit ce livre a Venise en 1834, ainsi que _Leone Leoni et Andre_.
GEORGE SAND. Paris, mars 1853.
PREMIERE PARTIE.
I.
Tilly, pres Tours; le...
Tu veux, mon amie, que je te dise la verite; tu me reproches d'etre
trop _mademoiselle_ avec toi, comme nous disions au couvent. Il faut
absolument, dis-tu, que je t'ouvre mon coeur et que je te dise si j'aime
M. Jacques. Eh bien, oui, ma chere, je l'aime, et beaucoup. Pourquoi
n'en conviendrais-je pas a present? Notre contrat de mariage sera signe
demain, et avant un mois nous serons unis. Rassure-toi donc, et ne
t'effraie plus de voir les choses aller si vite. Je crois, je suis
persuadee que le bonheur m'attend dans cette union. Tu es folle avec tes
craintes. Non, ma mere ne me sacrifie point a l'ambition d'une riche
alliance. Il est vrai qu'elle est un peu trop sensible a cet avantage,
et qu'au contraire la disproportion de nos fortunes me rendrait
humiliante et penible l'idee de tout devoir a mon mari, si Jacques
n'etait pas l'homme le plus noble de la terre. Mais tel que je le
connais, j'ai sujet de me rejouir de sa richesse. Sans cela, ma mere ne
lui aurait jamais pardonne d'etre roturier. Tu dis que tu n'aimes pas ma
mere et qu'elle t'a toujours fait l'effet d'une mechante femme; tu fais
mal, je pense, de me parler ainsi de celle a qui je dois respect et
veneration. Je suis bien coupable, a ce que je vois; car c'est moi qui
t'ai portee a ce jugement par la faiblesse que j'ai eue souvent de te
raconter les petits chagrins et les frivoles mortifications de notre
intimite. Ne m'expose plus a ce remords, chere amie, en me disant du mal
de ma mere.
Ce qu'il y a de plaisant dans ta lettre, ce n'est pas cela certainement;
mais c'est l'espece de penetration soupconneuse avec laquelle tu devines
a moitie les choses. Par exemple, tu pretends que Jacques doit etre un
homme vieux, froid, sec et sentant la pipe; il y a un peu de vrai dans
ce jugement. Jacques n'est pas de la premiere jeunesse, il a l'exterieur
calme et grave, et il fume. Vois combien il est heureux pour moi que
Jacques soit riche! Encore une fois, ma mere aurait-elle tolere sans
cela la vue et l'odeur d'une pipe!
La premiere fois que je l'ai vu, il fumait, et a cause de cela j'aime
toujours a le voir dans cette occupation et dans l'attitude qu'il avait
alors. C'etait chez les Borel. Tu sais que M. Borel etait colonel de
lanciers _du temps de l'autre_, comme disent nos paysa
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