du
vrai dans presque tous les reproches qu'on peut faire. Au fond, si l'on
avait le courage de n'ecouter que la voix la plus simple, la plus proche,
la plus pressante de sa conscience, le seul devoir indubitable serait de
soulager autour de soi, dans un cercle aussi etendu que possible, le plus
de souffrances qu'on pourrait. Il faudrait se faire infirmier, visiteur des
pauvres, consolateur des affliges, fondateur d'usines modeles, medecin,
laboureur, que sais-je, ou tout au moins ne s'appliquer, comme le savant de
laboratoire, qu'a arracher a la nature ses secrets materiels les plus
indispensables. Seulement, un monde ou il n'y aurait plus, a un moment
donne, que des gens se secourant les uns les autres ne persisterait pas
longtemps dans cette oeuvre charitable si personne n'usurpait le loisir
necessaire pour se preoccuper d'autre chose. C'est grace a quelques hommes
qui paraissent inutiles qu'il y aura toujours un certain nombre d'hommes
incontestablement utiles. La meilleure partie du bien qu'on fait autour de
nous, a cette heure, est nee d'abord dans l'esprit de l'un de ceux qui
negligerent peut-etre plus d'un devoir immediat et urgent pour reflechir,
pour rentrer en eux-memes, pour parler. Est-ce a dire qu'ils aient fait ce
qu'il y avait de mieux a faire? Qui oserait repondre a cette question? Ce
qu'il y a de mieux a faire semble toujours, aux yeux de l'ame humblement
honnete qu'il faut s'efforcer d'etre, le devoir le plus simple et le plus
proche, mais il n'en serait pas moins regrettable que tout le monde s'en
fut toujours tenu au devoir le plus proche. A toutes les epoques, il y eut
des etres qui purent s'imaginer loyalement qu'ils remplissaient tous les
devoirs de l'heure presente en songeant aux devoirs de l'heure qui allait
suivre. La plupart des penseurs affirment volontiers que ces etres ne se
tromperent point. Il est bon que le penseur affirme quelque chose. Il est
vrai, pour le dire en passant, que la sagesse se trouve parfois dans le
contraire de ce que le plus sage affirme. Qu'importe? on ne l'y eut pas
apercue sans cette affirmation; et le sage a fait son devoir.
II
Aujourd'hui, la misere est une maladie de l'humanite comme la maladie est
une misere de l'homme. Il y a des medecins pour la maladie, comme il
faudrait des medecins pour la misere humaine. Mais, de ce que l'etat de
maladie est malheureusement tres commun, s'ensuit-il qu'on ne doive jamais
s'occuper de la sante, et que celui qui ens
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