rre ne surgit.
Si quelque chose pouvait decourager le sage, qui n'est point sage tant
qu'un motif inattendu de decouragement n'illumine pas son etonnement et
n'eleve pas sa curiosite, on trouverait dans cette meme Revolution
francaise, plus d'une destinee infiniment plus sombre, plus ecrasante et
plus inexplicable que celle de Louis XVI. Je songe aux Girondins, je songe
surtout a l'admirable Vergniaud. Meme aujourd'hui que nous savons tout ce
que l'avenir lui cachait, et que nous devinons a peu pres ou voulait en
venir l'idee instinctive d'un siecle exceptionnel, il nous serait
probablement impossible d'agir plus sagement, plus noblement que lui. Il
serait, en tout cas, difficile a tout homme, jete par le hasard dans le
brasier d'un drame qui n'avait plus de bornes, d'unir a un plus grand
esprit un plus grand caractere. Le beau fantome sans souillure, le bel etre
sans crainte, sans arriere-pensees, sans erreurs, sans faiblesses, que
parfois nous formons au fond de notre coeur, de toutes nos forces les plus
pures, de toute notre sagesse et de tout notre amour, voudrait aller
s'asseoir non loin de lui, sur ces bancs deja deserts de la Convention "ou
semblait planer l'ombre de la mort" pour penser, pour parler, pour agir
comme il fit. Il apercut ce qu'il y avait d'eternel et d'infaillible de
l'autre cote du moment tragique, il sut rester fidele a l'humanite et a
l'indulgence durant des jours terribles ou l'humanite et l'indulgence
semblaient les pires ennemis d'un ideal de justice auquel il avait tout
sacrifie; et, "dans un grand et noble doute, il alla courageusement,
directement et infiniment au dela de ce qui paraissait raisonnable,
realisable et juste". La mort, violente mais attendue, vint a sa rencontre
avant qu'il eut fait la moitie du chemin, pour nous apprendre que bien
souvent, dans ces etranges luttes de l'homme et du destin, il ne s'agit pas
de sauver la vie de notre corps, mais celle de nos sentiments les plus
beaux et de nos meilleures pensees.
Qu'importent mes meilleures pensees si je n'existe plus? disent les uns;
que reste-t-il de moi, si pour conserver ma vie, tout ce que j'aime doit
perir dans mon coeur et dans mon esprit? leur repondent les autres. Et
n'est-ce pas a ce choix-la que se reduit presque toujours toute la morale,
toute la vertu, tout l'heroisme humain?
XXIV
Mais qu'est-ce enfin que cette sagesse dont nous parlons ainsi? N'essayons
pas de la definir trop strictement, car ce ser
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