tout ce qui
n'atteint par mortellement notre corps. Souvent meme elle parvient a
s'introduire dans le domaine etroit des fatalites exterieures. Il est vrai
qu'il faut accumuler en soi, un lourd, un patient tresor, pour que cette
volonte trouve, au moment solennel, les forces necessaires.
XV
La statue du destin projette une ombre enorme sur la vallee qu'elle semble
inonder de tenebres; mais cette ombre a des contours tres nets pour ceux
qui la regardent des flancs de la montagne. Nous naissons en elle, il est
vrai; mais, il est permis a beaucoup d'hommes d'en sortir; et si notre
faiblesse ou nos infirmites nous attachent jusqu'a la mort aux regions
assombries, c'est deja quelque chose que de s'en eloigner parfois par le
desir et la pensee. Il est possible que le destin regne plus rigoureusement
sur l'un ou l'autre d'entre nous, en vertu de l'heredite, en vertu de
l'instinct, en vertu d'autres lois plus inexorables encore, plus profondes
et plus inconnues, mais alors meme qu'il nous accable de malheurs immerites
et etonnants, alors meme qu'il nous oblige de faire ce que nous n'aurions
jamais fait s'il n'avait pas violente nos mains, le malheur advenu, l'acte
accompli, il depend de nous qu'il n'ait plus aucune influence sur ce qui va
se passer dans notre ame. Il ne peut empecher, quand il frappe un coeur de
bonne volonte, que le malheur subi ou l'erreur reconnue n'ouvrent en ce
coeur une source de clarte. Il ne peut empecher qu'une ame ne transforme
chacune de ses epreuves en pensees, en sentiments, en biens inviolables.
Quelle que soit sa puissance au dehors, il s'arrete toujours quand il
trouve sur le seuil l'un des gardiens silencieux d'une vie interieure. Et
si on lui permet alors l'acces de la demeure cachee, il n'y peut penetrer
qu'en hote bienfaisant, pour ranimer l'atmosphere engourdie, renouveler la
paix, augmenter la lumiere, etendre la serenite, eclairer l'horizon.
XVI
Encore une fois, qu'aurait fait le destin, s'il s'etait trompe d'ame et
qu'il eut tendu a Epicure, a Marc-Aurele ou a Antonin-le-pieux les pieges
qu'il tendit a OEdipe? Je consens meme a supposer qu'il eut pu entrainer
Antonin, par exemple, a massacrer son pere et a profaner dans la meme
ignorance, la couche de sa mere. Qu'aurait-il ebranle dans l'ame du noble
souverain? La fin de tout ceci n'eut-elle pas ete conforme au denouement de
tous les drames qui s'attaquent au sage, c'est-a-dire une grande douleur,
il est vrai, mais
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