et ne fit plus qu'un somme jusqu'au jour. Il
descendit alors et secoua la rosee qui penetrait son pauvre vetement.
--Il faut pourtant, se dit-il, que je retourne au village, je dirai
a ma tante que mes porcs ont voulu me manger, que j'ai ete oblige de
coucher sur un arbre, et elle me permettra d'aller chercher une autre
condition.
Il mangea le reste de son pain; mais, au moment de se remettre en
route, il voulut remercier le chene qui l'avait protege le jour et la
nuit.
--Adieu et merci, mon bon chene, dit-il en baisant l'ecorce, je
n'aurai plus jamais peur de toi, et je reviendrai te voir pour te
remercier encore.
Il traversa la lande, et il se dirigeait vers la chaumiere de sa
tante, lorsqu'il entendit parler derriere le mur du jardin de la
ferme.
--Avec tout ca, disait un des gars, notre porcher n'est pas revenu, on
ne l'a pas vu chez sa tante, et il a abandonne son troupeau. C'est un
sans-coeur et un paresseux a qui je donnerai une jolie roulee de
coups de sabot, pour le punir de me faire mener ses betes aux champs
aujourd'hui a sa place.
--Qu'est-ce que ca te fait, de mener les porcs? dit l'autre gars.
--C'est une honte a mon age, reprit le premier: cela convient a un
enfant de dix ans, comme le petit Emmi; mais, quand on en a douze, on
a droit a garder les vaches ou tout au moins les veaux.
Les deux gars furent interrompus par leur pere.
--Allons vite, dit-il, a l'ouvrage! Quant a ce porcher de malheur,
si les loups l'ont mange, c'est tant pis pour lui; mais, si je le
retrouve vivant, je l'assomme. Il aura beau aller pleurer chez sa
tante, elle est decidee a le faire coucher avec les cochons pour lui
apprendre a faire le fier et le degoute.
Emmi, epouvante de cette menace, se le tint pour dit. Il se cacha dans
une meule de ble, ou il passa la journee. Vers le soir, une chevre qui
rentrait a l'etable, et qui s'attardait a lecher je ne sais quelle
herbe, lui permit de la traire. Quand il eut rempli et avale deux ou
trois fois le contenu de sa sebile de bois, il se renfonca dans les
gerbes jusqu'a la nuit. Quand il fit tout a fait sombre et que tout le
monde fut couche, il se glissa jusqu'a son grenier et y prit diverses
choses qui lui appartenaient, quelques ecus gagnes par lui que le
fermier lui avait remis la veille et dont sa tante n'avait pas encore
eu le temps de le depouiller, une peau de chevre et une peau de mouton
dont il se servait l'hiver, un couteau neuf, un petit pot de terre, un
|