raf, et approuva tous ses choix, a
l'exception des deux poulains en question.
Plus il les regardait, plus ils lui semblaient hideux. Il fit amener
en sa presence le chef de ses haras, et s'adressant a lui d'une voix
courroucee: "Vassal, lui dit-il qu'est-ce que cela signifie? me crois-tu
donc depourvu d'instruction ou d'intelligence, ou bien es-tu devenu si
vieux que tu ne puisses plus distinguer un bon cheval d'un mauvais? Que
pretends-tu en m'amenant ces deux miserables haquenees?"
Alors, transporte de rage, le prince ordonna que Mirza-Serraf eut les
yeux creves. Cette sentence fut immediatement executee. Un fer rouge fut
applique sur le globe des yeux de l'infortune Mirza, qui fut ainsi prive
pour jamais de la lumiere. Aveugle et desole, il fut reconduit dans sa
maison. Son fils unique Roushan, jeune homme de dix-neuf ans, etudiait
alors a l'une des ecoles de la ville. Aussitot qu'il eut appris le
chatiment inflige a son pere, baigne de larmes, il accourut vers lui.
"Ne pleure pas, mon fils, lui dit le vieillard, qui etait un des plus
habiles astrologues de son siecle; j'ai examine ton horoscope, et ma
science infaillible ma decouvert que tu deviendrais un heros celebre. Tu
vengeras mes souffrances sur la personne de l'injuste tyran qui me les a
infligees. Va a l'instant voir le prince, et parle-lui ainsi: "Seigneur,
tu as fait crever les yeux de mon pere a cause d'un poulain. Sois
misericordieux, et fais-lui present de l'animal; sans cela mon pauvre
pere, qui est vieux et aveugle, n'aura pas de cheval a monter pour se
rendre a la distribution des aumones qui se font dans ton palais."
Roushan fit ainsi qu'il lui avait ete dit.
Le prince, dont la colere avait eu le temps de se calmer, accorda au
jeune homme la permission d'entrer dans ses ecuries et de prendre celui
des deux poulains condamnes qui lui plairait le mieux.
Roushan choisit celui qui etait gris, parce que son pere lui avait dit
que la jument qui l'avait porte etait d'une plus noble race que l'autre.
De retour a la maison avec le don du prince, Roushan recut de son pere
l'ordre de creuser un souterrain. "Il nous servira d'ecurie, lui dit
celui-ci. Fais-y quarante stalles, et entre chaque stalle tu feras
un reservoir pour l'eau. Par la combinaison d'un certain nombre de
ressorts, dont je t'enseignerai l'usage, l'orge et la paille seront
distribuees en temps convenable a notre poulain, qui mangera sa ration
sans l'assistance d'un palefrenier. L'eau lui
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