te
les prendront de force." Kourroglou dit: "Ayvaz, puisse-je devenir
la victime de tes yeux! J'avais coutume d'en boire beaucoup; nous en
recoltons en grande abondance." Ayvaz lui dit: "Comment le fait-on dans
votre pays?--Dans notre pays, on cueille les grappes et on les presse
jusqu'a ce que le jus en soit bien exprime; alors on en remplit un vase
que l'on met sur le feu. Il bout et rebout jusqu'a ce qu'il soit reduit
d'un tiers, et que la quatrieme partie demeure; alors nous jetons dedans
du pain coupe en morceaux, et nous le mangeons avec nos doigts." Ayvaz
dit: "Puisses-tu mourir, oncle, tu m'as compris merveilleusement! la
chose dont tu parles s'appelle _Dushab_[15].--Comment? qu'est-ce donc,
alors, que tu bois ainsi, mon enfant?--C'est du vin.--Bien, bien, je le
vois a present; nous en avons en abondance dans notre pays.--Comment le
faites-vous dans votre pays, mon oncle?--Nous prenons de la creme, que
nous mettons dans un sac de cuir, et puis nous le secouons jusqu'a ce
que le beurre paraisse a la surface. On met le beurre dans le pilon, et
l'on boit ce qui reste.--Puisses-tu mourir, oncle! ceci est le abdough
(lait de beurre).--S'il en est ainsi, pour l'amour de Dieu! laisse-moi y
gouter.--J'ai peur, mon oncle, que tu ne deviennes fou quand tu en auras
bu."
[Footnote 15: _Dushab_, pate sucree preparee de la maniere ici decrite,
dont on fait communement usage dans l'Orient au lieu de confitures ou de
sucre.]
Kourroglou reitera sa demande, jusqu'a ce qu'enfin Ayvaz, touche de
pitie, consentit a lui en donner un verre. "O Dieu! s'ecria-t-il,
maintenant je mourrai heureux, car Ayvaz m'a offert a boire de ses
propres mains!" Il vida le verre, et, comme il n'avait mouille qu'une
de ses moustaches, il dit: "Donne-m'en un autre verre, pour l'autre
moustache." Il continua ainsi de boire et eut bientot vide la bouteille
jusqu'a la derniere goutte. Ayvaz dit alors d'une voix irritee:
"N'oublie pas que ce n'est pas du lait de beurre: tu sentiras bientot ta
tete s'appesantir." Kourroglou dit: "Mon petit oiseau de paradis! tu ne
penses a personne qu'a toi! regarde-moi aussi." Cela dit, il se leva,
et, s'apercevant qu'il y avait encore six bouteilles d'eau-de-vie dans
la niche, il les prit l'une apres l'autre, et les vida jusqu'a la
derniere goutte. Ayvaz s'ecriait: "Ceci n'est pas du vin, mais de
l'eau-de-vie, rustre; pourquoi en as-tu bu plus d'une!" Kourroglou dit:
"O perroquet du paradis! elles se meleront dans mon v
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