long somme
dont son amant la menace en plein desert et au milieu des dangers. Il
faut que Kourroglou dorme ou qu'il perisse; a cette robuste organisation
il faut un repos semblable a celui de la mort. Elle examine Kyrat avec
inquietude, et quand elle a vu signaler le depart et la marche de
l'ennemi, quand elle a remarque ses sabots grattant la terre et sa
bouche couverte d'ecume, elle eveille Kourroglou, ainsi qu'elle a ete
avertie par lui de le faire. Aussitot il se leve, rattache les sangles
de son coursier, fait monter Nighara sur l'autre, et attend de pied
ferme le jeune sultan Burji, qui accourt a la delivrance de sa soeur
Nighara. Kourroglou, par ses terribles chansons, porte l'epouvante dans
le coeur des guerriers du prince, et bientot, s'elancant au milieu
d'eux, il les disperse comme un troupeau de gazelles. Mais Burji-Sultan,
resolu a reconquerir sa soeur, s'elance seul contre lui. "Que faire? dit
Kourroglou dans son coeur; si je tue le frere de ma bien-aimee, elle ne
me le pardonnera jamais et remplira ma vie d'amertume." Nighara se prend
a pleurer. "O Kourroglou! je n'ai qu'un frere, ne le tue pas.--Mon amie,
ne crains rien," dit Kourroglou. Et, s'adressant au prince: "Le chef de
tes ecuries ne gagne pas le pain qu'il mange; il n'a pas seulement serre
les sangles de ton cheval. Je t'avertis que tu roules sur ta selle.
Descends et raccourcis tes sangles, tu combattras ensuite contre moi."
Le Turc credule descend pour arranger sa selle. Pendant ce temps,
Kourroglou s'approche avec precaution, le renverse, s'assied sur lui et
feint de vouloir le tuer. Burji pleure et se lamente: "Le sultan mon
pere n'avait qu'une fille et un fils; tu enleves l'une, tu vas tuer
l'autre. Toute la famille va etre eteinte.--Je t'accorde la vie a
condition que tu me donnes ta soeur en mariage. Je suis aussi savant
qu'un mollah; j'ai lu les sept volumes des commentaires arabes sur le
Koran; je sais par coeur toutes les formules usitees dans les mariages."
Le prince prononce avec lui la priere nuptiale consacree par le Koran,
et lui accorde sa soeur. Kourroglou le releve, l'embrasse au front, et
lui dit: "Desormais, au nom et par l'autorite du sultan Murad ton pere,
je gouverne et regne a Chamly-Bill. Ou aurait-il trouve un meilleur
parti pour sa fille?"
En continuant leur route vers Chamly-Bill, Kourroglou et Nighara
traversent encore quelques aventures. Ils penetrent dans le camp d'un
jeune Europeen qui tombe amoureux de Nighara,
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