et veut l'enlever a son
epoux. Kourroglou est force de detruire sa suite et de piller ses
tresors; il est meme au moment de le tuer pour lui apprendre a vivre,
lorsque Nighara, touchee de l'amour de ce jeune homme, le fait sauver,
et menace Kourroglou d'avaler un poison mortel cache dans l'anneau
qu'elle porte au doigt s'il n'abandonne pas sa poursuite. Kourroglou se
soumet, et continue son voyage avec elle. Nighara montait a cheval aussi
bien que lui-meme, et pouvait fournir une course aussi hardie, aussi
rapide que la sienne. Ils surprirent une caravane, se firent payer une
riche redevance, et la, encore, Nighara obtint grace de la vie pour le
marchand.
Elle blamait beaucoup son epoux de commettre toutes ces violences. Il
lui repondit avec la franchise d'un honnete Turcoman: _Je ne laboure ni
ne trafique; il faut donc que je vole_. L'argument etait sans replique.
Enfin ils atteignent les portes de Chamly-Bill. Les brigands vinrent a
leur rencontre avec des acclamations, des chants et des decharges de
mousqueterie. "Guerrier, dit la princesse a Kourroglou, lequel d'entre
eux est Ayvaz? Montre-le-moi.
Improvisation de Kourroglou:
"Regarde ici, mon cher amour: ce cavalier est Ayvaz. Regarde-le, et
preserve mon ame du lit de feu de la jalousie. Regarde, voila Ayvaz;
mais ne tombe point amoureuse de lui. Dans sa main etincelle un bouclier
hezzare. Le miel de l'eloquence est sur sa langue; et _la ligne du
pinceau de la main du Tout-Puissant_ est sur l'arc de ses sourcils.
Regarde; mais n'en tombe pas amoureuse. Ce n'est qu'un garcon de
quatorze ans. Une plume de grue est sur sa tete. Ce cavalier est Ayvaz,
oui, Ayvaz lui-meme."
Il presenta alors son epouse a ses compagnons en leur disant: "Nous
devons tous l'honorer, elle est la fille du sultan de Turquie;" et
Nighara s'etant assise sur le seuil de la porte de la forteresse, les
sept cent soixante-dix-sept cavaliers de la garde sacree de Kourroglou
se prosternerent devant elle, "O Dieu! s'ecria Kourroglou, sois beni
et ton nom glorifie! Je dois a ta seule bonte d'avoir realise mes plus
cheres esperances!" Il frappa les cordes de sa guitare et chanta ainsi:
"Les nuages de l'adversite ont ete dissipes par la foi de Kourroglou.
Ils se sont evanouis comme la brume du matin. Voici mon Ayvaz."
Nighara fit son entree couchee sur les riches coussins d'un palanquin
d'honneur. Toutes les femmes et toutes les esclaves de Kourroglou
vinrent a sa rencontre, et l'introduisi
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