it en fuite le reste des cavaliers de Reyhan. Ce dernier seul
resta et ne quitta pas la place. Kourroglou improvisa.
_Improvisation_.--"Un guerrier ne chasse pas ses freres guerriers dans
le couvert. Il menace avec son epee egyptienne bien affilee, elevee en
l'air. Pense a toi, Reyhan, avant qu'il soit trop tard. Es-tu fou? Tu
n'as jamais eprouve la force du belier, le front de Kourroglou; tu n'as
jamais eu devant toi un bras si puissant. Tu es encore la, Reyhan, es-tu
fou?"
Reyhan l'Arabe etait un seigneur d'un grand courage; on parlait de sa
gloire et de ses hauts faits dans toute la Turquie. Kourroglou s'ecria:
"Retourne dans ta maison, Reyhan; regarde la fuite de tes cavaliers." Sa
reponse fut: "Ce sont tous des corbeaux, ils ne peuvent resister a
un hibou comme toi." Cela dit, Reyhan lanca sa jument arabe sur le
railleur. Kourroglou, de son cote, donna de l'eperon a Kyrat. Le choc
fut terrible.
Les dix-sept armes qu'il portait avec lui furent employees tour a
tour, et cependant aucun avantage ne fut remporte de part et d'autre.
Kourroglou vit que Reyhan l'Arabe etait un homme d'un courage et d'une
habilete superieurs.
Ils s'approcherent plusieurs fois a cheval poitrine contre poitrine et
dos contre dos. Ils se prirent l'un l'autre par la ceinture. Reyhan
tirait Kourroglou afin de le desarconner, et criait: "Tu n'emmeneras
pas Ayvaz." Kourroglou le tirait aussi de dessus sa selle et criait:
"J'emmenerai Ayvaz."
Ils descendirent de cheval en meme temps et commencerent a lutter a
pied, le cou enlace avec le cou, le bras avec le bras, la jambe avec la
jambe. On aurait dit deux chameaux[24] males se battant ensemble. Le
soleil commencait deja a baisser. Kourroglou se sentait fatigue de la
puissante resistance de son ennemi, et s'ecria dans son coeur: "O Dieu!
preserve-moi de malheur, o Ali!" Cela dit, il eleva Reyhan l'Arabe en
l'air et le rejeta par terre; il s'assit sur sa poitrine, et, tirant
son couteau, il se preparait a lui couper la tete; mais il dit dans son
coeur: "S'il demande merci, je le tuerai; s'il ne le demande pas, ce
serait pitie de tuer un si brave jeune homme."
[Footnote 24: Les combats de chameaux sont beaucoup plus feroces que
ceux de taureaux, de beliers, de bouledogues ou de coqs. Les riches
oisifs en Perse parient souvent a leur sujet. Il est presque impossible
de ne pas eprouver une sorte de plaisir sauvage a etre temoin de ces
combats. Ces deux enormes corps, tout en se battant, de
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