ois dans mon coeur le respect et
l'attachement. Un homme juste doit etre comme Reyhan. Puisse chaque pere
avoir cinq fils comme lui; puissions-nous avoir des guerriers comme lui
pour compagnons! Il merite d'etre le frere de Kourroglou. Un homme juste
doit etre un homme comme Reyhan[25]."
[Footnote 25: Le texte de cette belle piece de poesie sert d'exemple
de la force des participes turcs, qui ne peut etre egalee dans aucune
langue europeenne.]
Kourroglou ordonna qu'on servit un repas. Ayvaz fut nomme chef des
echansons; le vin coula, les mets tomberent comme la pluie, et toute la
bande festoya ensemble.
QUATRIEME RENCONTRE.
Le chapitre qui precede nous a paru si colore et si original, que nous
n'avons pas eu le courage de l'abreger beaucoup. Au ton heroique se mele
dans le recit la gaiete rabelaisienne, et l'ensemble est, comme dans
toutes les oeuvres naives, un compose de terrible et de bouffon. Le
dejeuner de Kourroglou sur la montagne ne rappelle-t-il pas, en effet,
une scene de Grangousier? N'y a-t-il pas aussi un peu du frere Jean des
Entommeures et de Panurge en meme temps, dans les niaiseries malicieuses
qu'emploie Kourroglou pour obtenir d'Ayvaz la permission de boire de son
vin? Mais bientot viennent les touchantes lamentations d'Ayvaz enleve,
et la, il y a la simplicite elevee de la forme biblique. Enfin,
l'admiration de Reyhan l'Arabe pour Kourroglou franchissant le precipice
finira dans la chevalerie merveilleuse de l'Arioste.
La rencontre suivante penetre plus avant dans les moeurs et usages de
l'Orient. La princesse Nighara est toute une revelation de l'ideal de la
femme dans ces contrees. Ideal bizarre et qui, pour le coup, n'est pas
le notre. L'examen en sera d'autant plus curieux; et ce serait peut-etre
ici le lieu de donner comme preface a ce chapitre un travail que M.
Chodzko nous a communique sur les pratiques, usages, superstitions,
idees religieuses et sociales qui defraient la vie mysterieuse des
harems. Mais nous craignons de nuire a l'interet que peut inspirer
Kourroglou, par cette longue interruption, et nous remettons a la fin
de notre analyse la publication des curieux documents qui viennent a
l'appui.
La quatrieme rencontre traite donc de la princesse Nighara; mais comme
elle en traite fort longuement, nous abregerons le plus possible, ayant
regret, toutefois, a tout ce que nous passerons sous silence.
Et d'abord, nous voudrions omettre Demurchi-Oglou comme ne se rattachan
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