e tu as dit. Homme,
ecoute-moi; je vais partir pour Orfah a l'instant meme; et tu attendras
mon retour, enchaine dans un cachot. Si le jeune garcon justifie
reellement tes louanges, que mon nom ne soit pas Kourroglou si je ne
couvre pas ta tete d'une pluie d'or et ne t'exalte pas au-dessus de la
voute des cieux. Mais malheur a toi, si Ayvaz est indigne de tes eloges;
car j'arracherai la racine de ton existence du sol de la vie; et ton
chatiment servira d'exemple aux menteurs impudents comme toi. Tu ne dois
pas mentir a tes superieurs."
Cela dit, il donna ordre d'enchainer le marchand par le cou et par une
jambe, et de le jeter ensuite en prison.
"Daly-Hassan! que l'on selle Kyrat." Daly-Hassan mit lui-meme la selle
et le coussin sur le cheval de son maitre, et les attacha sept fois avec
la sangle. "Je pars pour Orfah, dit Kourroglou. Que personne ne de vous
ne se hasarde de boire de facon a s'enivrer jusqu'a ce que je sois de
retour. Malheur a celui dont la demeure retentira des sons de la musique
ou du tambourin. Souvenez-vous de cette defense, ou je vous arracherai
de la terre, et vous jetterai au vent, comme un chardon nuisible. Je
pars seul pour chercher mon futur enfant, pour chercher Ayvaz. Je
mourrai ou je reviendrai avec lui. Ecoutez ma chanson.
_Improvisation._--"J'adopterai pour mon fils le jeune Ayvaz-Bally.
Attendez le jour d'adoption jusqu'a mon retour. Demandez-le en Turquie
et en Syrie jusqu'a mon retour. Un homme brave monte l'arabe gris ou le
bai, et galope tout le long du chemin, sur le cheval de bataille aux
pieds legers. Tuez des veaux, egorgez des moutons, et nourrissez-vous de
mes troupeaux jusqu'a mon retour. _Kourroglou dit:_ le diable emporte
l'ennemi; les braves galopent sur des chevaux arabes: allez et buvez
jusqu'a mon retour."
Ayant dit cela, Kourroglou prit conge de ses freres, monta sur Kyrat
et marcha seul, jour et nuit, de bourgade en bourgade, vers la ville
d'Orfah. Il n'en etait plus qu'a un fersakh de distance, quand il se
sentit une faim extreme; et, voyant un berger qui gardait son troupeau
sur la pente d'une colline, il se dit: "Le proverbe est bon: si tu as
faim, va au berger; si tu es las, au chamelier. Maintenant reflechissons
un peu de quelle facon j'attraperai a dejeuner." Alors il s'approcha, et
s'ecria: "Que Dieu te benisse, berger! ne peux-tu me donner a dejeuner?"
Le berger leva la tete; et, voyant un guerrier dont l'armure, a elle
seule, aurait pu acheter son trou
|