ait
de mauvais desseins, _parce qu'il avait beaucoup mange_, ne put fermer
l'oeil. "Veilles-tu, mere?
--Helas! oui; je me demande si tu n'es pas Nazar-Djellaly.
--Non.--Tu es donc Guriz-Oglou--Erreur.
--En ce cas, tu es Reyhan l'Arabe?--Encore moins.
--Alors, tu es le chef des sept cent soixante-dix-sept, tu es
Kourroglou!--Tu l'as dit. Je viens ici pour enlever la princesse
Nighara."
_La langue de la vieille se raidit dont sa bouche_. "Allons, n'aie pas
peur, vieille carcasse.--Comment serais-je rassuree? Quand un enfant
crie, sa mere lui dit pour le faire taire: "Tais-toi, ou le loup viendra
te manger;" et l'enfant crie encore. La mere dit: "Voici le leopard;"
l'enfant crie plus fort. La mere dit alors: "Voici Kourroglou qui va
t'emporter;" l'enfant se tait et cache sa figure dans l'oreiller.
Kourroglou jure par le plus pur esprit du Createur du ciel et de la
terre qu'il la traitera comme sa propre mere si elle ne le trahit pas;
mais que, dans le cas contraire, fut-elle assise dans le septieme ciel,
il lui jetterait un noeud coulant pour l'en arracher; et quand meme elle
se changerait en Djinn pour se cacher aux entrailles de la terre, il
l'en retirerait avec des pinces pour la mettre en pieces.
Des le matin, Kourroglou va au bazar et y achete un habit blanc pareil a
celui que portent les mollahs, puis une cornaline sur laquelle il fait
graver le chiffre du sultan. Enfin, il fait l'emplette d'une excellente
guitare dont le manche se devisse et se retire a volonte. Il met le
cachet et l'instrument ainsi demonte dans sa poche, et, muni de ses
moyens de seduction, il aborde un fakir et le prie de venir reciter a
sa mere mourante quelques versets du Koran. Quand il l'a amene chez la
vieille, il lui ordonne d'ecrire sous sa dictee une lettre de passe
moyennant laquelle il se presentera comme un _mollah_, un _chavush_,
c'est-a-dire un pelerin de la Mecque, un saint homme envoye par le
sultan a sa fille, et franchira les portes du palais. Le fakir, qui
croit Kourroglou incapable de lire l'ecriture, le trompe, et ecrit a
la princesse, au nom du sultan, que ce faux chavush est le plus grand
coquin de la terre, et qu'il lui recommande de lui faire donner le
fouet. Kourroglou, qui lit par-dessus l'epaule du secretaire infidele,
l'etrangle a demi, le reduit a l'obeissance, scelle la lettre avec le
cachet contrefait du sultan, et pour mieux s'assurer de la discretion du
fakir, lui donne un tel coup sur la tete, _qu'
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