t ensemble sur la montagne."
Mir-Ibrahim remonta sur sa rosse en grande hate, et courut au galop. Il
ne trouva sur la montagne que le cadavre de son esclave. Sa langue resta
clouee a son palais; il commenca a frapper ses tempes si violemment
qu'il tomba de cheval. Dans son desespoir, il se jeta sur la terre; et,
repandant de la poussiere sur sa tete, s'ecria: "Malheur a moi! il m'a
enleve mon fils."
Mir-Ibrahim fut trouve dans cet etat deplorable par Reyhan l'Arabe. Ce
dernier etait un riche seigneur, qui se rendait au dela des montagnes
pour chasser, accompagne de cent soixante cavaliers. Quand il se fut
approche, et qu'il eut examine les choses, il reconnut son beau-frere
dans l'homme ainsi desole: "Quoi! est-ce vous, Mir-Ibrahim? Pourquoi ces
larmes, et que signifie ce desespoir?" Le pauvre pere, que la douleur
privait de la parole, put seulement prononcer ces mots: "Il l'a
emmene... il l'a emmene!..." Reyhan l'Arabe demanda en colere: "Fils
d'un pere brule, qui, et par qui enleve?" Une demi-heure se passa avant
que Mir-Ibrahim eut recouvre ses sens, et il dit: "Je l'ai vendu a
Kourroglou; il l'a enleve, il s'est enfui.--Parle clairement. Si tu lui
as vendu quelque chose, il avait droit de prendre sa propriete." Ce ne
fut qu'apres de nombreuses questions que Reyhan l'Arabe dit, dans
son coeur: "Kourroglou, tu es un miserable, tu as passe ta main[20]
crasseuse sur ma tete, et enleve le gibier de mes reserves." Il appela
ses cavaliers, et dit: "Enfants, je vais courir apres lui; suivez-moi."
Alors ils galoperent a la poursuite de Kourroglou, guides par les traces
des pas de son cheval.
[Footnote 20: C'est-a-dire: tu m'as trompe et deshonore.]
Reyhan l'Arabe etait monte sur une jument. Kourroglou continuait de
marcher, sans etre averti de rien, quand il vit Kyrat secouer ses
oreilles. C'etait un signe certain de la presence de la jument, a
environ un mille de distance. Kourroglou dit, dans son coeur: "Mon Kyrat
doit sentir la jument de Reyhan l'Arabe. Celui-ci a sans doute tout
appris, et me poursuit maintenant." Il regarda le ciel, et vit quelques
oies sauvages passer au-dessus de sa tete. Kourroglou pensa: "Je vais
decocher une fleche au guide de la bande: si l'oiseau tombe, je serai
vainqueur; mais si la fleche revient seule, Ayvaz ne sera pas a moi." Il
prit une fleche de son carquois; et, apres l'avoir placee sur son arc,
il l'envoya dans l'air. En tres-peu de temps, l'oie descendit, et vint
tomber aux pied
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