est fine et
petite comme celle du grand serpent chahmaur; ses yeux sont saillants
comme deux pommes; ses dents semblent autant de diamants. La forme de
sa bouche doit approcher de celle du chameau male; ses membres sont
finement dessines, et plutot arrondis qu'allonges. Quand on le sort de
l'ecurie, il est joyeux et il se cabre. Ses yeux ressemblent a ceux de
l'aigle, et il marche avec l'inquiete impatience d'un loup affame. Son
ventre et ses cotes remplissent exactement la sangle. Un jeune homme de
bonne famille prete une oreille obeissante aux lecons de ses parents;
il aime son cheval et en prend le plus grand soin Il sait par coeur la
genealogie et la purete de son sang. Il essaie souvent la vigueur
des articulations de son genou; en un mot, il doit etre ce qu'etait
Mirza-Serraf dans sa jeunesse."
Des que le prince eut entendu cette improvisation, il dit aux gens de sa
suite: "C'est la le fils de Mirza-Serraf? Hola! qu'il soit arrete!"
Roushan fut immediatement entoure de tous cotes; mais, sans paraitre
s'en apercevoir, il parla ainsi au sultan Murad:
_Improvisation_.--"Ecoutez, mon prince; il me revient en memoire
quelques stances de vers agreables; permettez-moi de vous les reciter."
Le prince y consentit, et ordonna a ses gardes, de ne pas toucher
a Roushan qu'il n'eut dit ses vers. Alors ce dernier commenca
l'improvisation suivante: "Mon prince a donne l'ordre de me punir; mais,
par Allah! je sais comment me defendre; je m'echapperai de ses mains.
En vain m'offrirais-tu tes richesses et tes faveurs comme on jette la
pature a l'aigle vorace et affame, je les rejetterais toutes."
Le prince l'interrompit et lui dit: "Cesse tes vaines bravades; viens,
et sers-moi fidelement, autrement je te ferai mourir."
Roushan chanta alors ainsi:
_Improvisation_.--"Je suis appele Dieu dans ma maison: oui, je suis un
dieu. Je ne courberai point mon cou devant un lache comme toi. La cruche
a porte l'eau assez longtemps pour toi; mais, a la fin, la cruche s'est
brisee."
Le prince lui dit: "Ton pere a ete mon serviteur pendant cinquante ans.
Dans un moment de colere, j'ai ordonne qu'on lui crevat les yeux. Mais
qui deniera au maitre le droit de punir son esclave, afin de pouvoir
ensuite le combler de ses faveurs? Viens avec moi, tu apprendras a
m'etre agreable, et je te recompenserai." Roushan repliqua: "Tu as
eteint les yeux de mon pere, et, a ce prix, tu veux me faire riche. Si
Dieu me donne assez de vie, je te ferai
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