subir la peine du talion. Mais
ecoute!"
_Improvisation_.--"C'est toi-meme qui as construit l'edifice de la ruine
quand tu as prete l'oreille a des calomniateurs. Je prendrai ta vie et
je renverserai ton trone."
Ces paroles firent sourire le prince, et il lui demanda ironiquement:
"Comment, Roushan, te sens-tu assez fort pour detruire mes villes et
pour renverser mon trone?" Roushan improvisa le chant suivant:
"Assez de forfanteries. Que sont a mes yeux trente, soixante, ou meme
cent de tes guerriers? Que sont vos rochers, vos precipices et vos
deserts sous le sabot de mon coursier? Je suis le leopard des montagnes
et des vallees[2]."
[Footnote 2: Cette strophe est habituellement chantee par les Turcs
avant qu'ils s'elancent sur l'ennemi.]
Le prince reprit: "Viens plus pres de moi, ne fuis pas. Je jure par
la tete des quatre premiers califes que je te ferai _sirdar_ (general
commandant en chef) de mes troupes." Et pendant qu''il parlait ainsi,
il admirait le courage du jeune homme. Roushan repliqua et dit:
"Maintenant, mes chants, aussi bien que mes exploits, seront connus au
monde sous le nom de Kourroglou, le fils de l'aveugle dont tu as creve
les yeux [3].
[Footnote 3: _Kurr_ signifie aveugle, et _oglou_ fils.]
_Improvisation_.--"Ecoute les paroles de Kourroglou. La vie m'est un
fardeau. De ce jour j'abandonne ma tete aux hasards de la fortune,
comme la feuille d'automne s'abandonne a l'apre souille des vents. Avec
l'assistance de Dieu, j'irai en Perse pour y retablir la religion d'Ali,
qui est venere dans ce pays."
Il finissait a peine ces mots, que, se precipitant au milieu de la suite
du prince, il fit un horrible carnage, et le prince, a la fin convaincu
que toutes les armees de la terre ne pourraient venir a bout de le
vaincre, ordonna a son vizir d'abandonner une poursuite dangereuse et
inutile.
Roushan traversa l'Oxus a la nage et se hata de rejoindre son pere sur
la rive opposee. "Tu m'as venge, mon fils, lui dit ce dernier, que Dieu
t'en recompense! Quittons maintenant cette contree: non loin d'Herat, je
connais une oasis ou tu vas me conduire.
Roushan obeit, et quand ils eurent atteint l'oasis, Mirza-Serraf tira de
dessous son bras un vieux livre d'astrologie qui ne le quittait jamais,
et dit: "O mon fils, cherche dans ce livre un passage qui traite
de l'apparition de deux etoiles, l'une a l'orient et l'autre a
l'occident.--Pere, je l'ai trouve!
--Bien! L'oasis ou nous sommes contie
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