r le tapis. "Es-tu ivre? dit la princesse
etonnee d'une semblable audace.--C'est toi-meme qui es ivre, repond
l'autre sans se deconcerter. Ce que je prends m'appartient; j'apporte la
nouvelle qu'un saint homme est arrive de la Mecque avec un message pour
toi. _Un feu divin brille dans ses yeux, et son visage en renvoie les
rayons vers le soleil_."
"Levons-nous, mes filles, dit la princesse. J'ai lu dans les traditions
sacrees que ceux qui vont au devant d'un pelerin de la Mecque sont
preserves d'etre brules par la flamme de l'enfer, si la poussiere des
sabots de son cheval tombe seulement sur eux."
Pendant ce temps, Kourroglou avait ote sa robe et son turban de pelerin;
il avait mis son bonnet sur l'oreille, a la facon des dandys kajjares,
rajuste les plis de son bel habit vert-olive, et noue gracieusement le
cachemire qui lui servait de ceinture, et qui laissait voir le manche de
son poignard couvert de gros diamants. Quand la vertueuse princesse vit
le saint homme transforme en un superbe brigand a grandes moustaches,
elle commenca, non par s'enfuir, mais par faire attacher les pieds de la
suivante qui s'etait ainsi trompee, et sous pretexte qu'elle avait du
recevoir quelque baiser de cet imposteur, elle lui fit appliquer une
vigoureuse bastonnade sur les talons, puis s'approchant de Kourroglou,
qui essayait de justifier la suivante en se declarant un _amoureux sans
argent_, incapable de seduire personne par des presents, elle lui
donna un grand coup de pied dans la poitrine. "Princesse, dirent les
suivantes, c'est une pitie de te voir ainsi profaner ton joli pied
contre la poitrine non lavee de ce miserable.--Taisez-vous, sottes
filles, dit le bandit sans se deconcerter; vous ne savez pas que mon
sein est plus precieux que le talon de votre maitresse."
Alors il prit sa guitare et improvisa:
"Je respire de ton jardin le parfum de la jacinthe et de la violette.
Comme elles tu fleuris dans la solitude. Tu es une fleche au fond de mon
coeur."
Nighara etait indignee. Kourroglou chanta encore:
"Tu es le fruit le plus frais dans les jardins du printemps; tu es le
coing embaume et la grenade vermeille, etc."
Au lieu de s'adoucir a de tels compliments, la farouche Nighara fait
un signe a ses femmes, et aussitot une grele de coups tombe sur
l'audacieux. "Dieu vous preserve, s'ecrie en cet endroit le rapsode, de
tomber sous les ongles d'une femme irritee!"
En un instant les vetements de Kourroglou volerent en p
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