s de son cheval.
Kourroglou se sentit tres-heureux; il arracha une couple des plus belles
plumes de l'oie, et, otant le bonnet d'Ayvaz, les attacha, en guise de
plumet, a sa calotte. Ayvaz dit: "Tu as fait des trous, avec ces plumes,
dans ma calotte; j'ai une belle niece qui m'en fera une neuve.--O mon
fils! repliqua Kourroglou, aussi longtemps que tu demeureras dans ma
maison, tes habits seront d'or et de soie." En entendant cela, Ayvaz
pleura amerement. Kourroglou, pour le consoler, improvisa la chanson
suivante:
_Improvisation_.--"Que ta tete semble belle avec cette plume! c'est
comme la tete d'une grue male. Je la garderai[21], je veillerai
soigneusement sur elle. Je t'ai cherche dans le ciel, et je t'ai trouve
sur la terre. Ne pleure pas, ma jeune grue. La ligne arquee de tes
sourcils a ete dessinee par la plume du Tout-Puissant. Tu es juste en
age, tu as quinze ans, o jeune garcon! A tous ces ornements un seul
manque encore: c'est celui des exploits chevaleresques. Tu seras le
modele d'un guerrier. Je couvrirai ta tete d'une calotte d'or. O ma
jeune grue! ne pleure plus." Apres une pause, Kourroglou chanta:
_Improvisation_.--"Je te vis, et mon coeur fut heureux. Tu trouveras en
moi un franc Turcoman-Tuka. Mon nom est Kourroglou _le belier_. Je suis
bien connu dans toute la Turquie. Ayvaz, a la tete de grue, ne pleure
plus."
[Footnote 21: _Terbatics_ "Je tournerai autour de ta tete", expression
prise d'une coutume orientale. Quand un malheur menace quelqu'un, afin
de le prevenir, on fait tourner un mouton noir trois fois autour de lui,
et on en fait ensuite present aux pauvres, ou bien on le fait pendre.
Quand le schah de Perse visite un village, les paysans vont au-devant,
baisent le pan de sa robe ou son eperon; ils demandent comme la plus
grande faveur la permission de tourner autour de son cheval; de la
l'expression _dourer beguerden_, c'est-a-dire "j'implore, je demande sur
tout ce qu'il y a de plus sacre".]
Retournons maintenant a Reyhan l'Arabe. Il connaissait parfaitement
tous les chemins et sentiers des environs d'Orfah; il savait aussi
que Kourroglou y venait pour la premiere fois, et par consequent ne
connaissait pas les localites. Il y avait une passe etroite au-dessus
d'un precipice qu'il fallait traverser au moyen de _quelque chose
ressemblant a un pont jete dessus_. Avant que Kourroglou put avoir passe
ce pont, Reyhan l'Arabe y etait arrive en faisant un detour, et il
se posta a l'entree m
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