nt une source d'eau; quand la nuit
qui precede le vendredi sera arrivee, tu veilleras avec ce livre dans la
main, en repetant continuellement la priere qui se trouve a ce passage
du livre; tes jeux devront suivre avec la plus grande vigilance les deux
etoiles jusqu'au moment ou elles se rencontreront. Alors tu verras la
surface de l'eau se couvrir d'une ecume blanche. Prends ce vase que
j'ai apporte tout expres, tu y recueilleras soigneusement l'ecume et me
l'apporteras sans delai."
Quand la nuit designee fut venue, Roushan remplit toutes les
instructions de Mirza-Serraf, et deja il revenait avec le vase plein
de l'ecume mysterieuse; mais elle etait si blanche, si legere et
si fraiche, que le jeune homme inexperimente ne put resister a la
tentation: il avala l'ecume. "J'ai accompli toutes tes prescriptions,
dit-il a son pere; l'ecume cependant ne s'est pas montree sur l'eau
de la source." Mirza-Serraf repondit: "L'ecume a paru sur l'eau de la
source; j'en suis certain. Confesse la verite, qu'en as-tu fait?"
Roushan etait sincere; il avoua sa faute. Alors le vieillard, frappant
son genou avec ses deux mains: "Qu'as-tu fait, malheureux? s'ecria-t-il.
Sois maudit, et puisse ta maison tomber sur ta tete! Tu m'as ravi le
bonheur de te revoir. Cette ecume etait un remede precieux et unique, un
collyre qui avait la puissance de guerir ma cecite. J'en aurais employe
une portion pour moi, et je t'eusse laisse boire le reste. Mais les
decrets du sort sont irrevocables; tu deviendras un guerrier invincible
et moi je mourrai aveugle. Tout est consomme, maintenant." Le pauvre
vieillard commenca alors a dicter ses dernieres volontes. "Mes jours
sont comptes, dit-il, desormais tu prendras le nom de Kourroglou, le
fils de l'aveugle. Tes vers et tes actions seront attaches pour toujours
a ce surnom. Maintenant conduis-moi a Mushad, sur le dos de Kyrat[4],
car c'est ainsi que tu devras nommer ton cheval."
[Footnote 4: Un cheval bai brun.]
Kourroglou placa son vieux pere derriere lui, et marcha vers la ville
sacree de Mushad, ou ils arriverent en peu de temps, grace a la vigueur
surnaturelle de leur cheval. Ce fut dans cette ville qu'ils embrasserent
la foi d'Ali, et, d'impies sunnites qu'ils etaient, devinrent _sheahs_
et vrais croyants. Ce fut la aussi que Mirza-Serraf mourut, et voici
quelles furent ses dernieres paroles: "Aussitot que je serai mort,
rends-toi dans la province d'Aderbaidjan, dont le schah de Perse est
souverain
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