saisir par
les oreilles; c'etait la fermiere, qui dans sa colere, criait a Jules:
--Donne-moi le grand fouet, que je corrige ce mauvais animal! Jamais
plus mechant ane n'a ete vu en ce monde. Donne donc, ou claque-le
toi-meme.
--Je ne peux remuer le bras, dit Jules en pleurant; il est tout
engourdi.
La fermiere saisit le fouet tombe a terre, et courut a moi pour venger
son mechant garcon. Je n'eus pas la sottise de l'attendre comme vous
pouvez bien penser. Je fis un saut et m'eloignai quand elle fut pres de
m'atteindre; elle continua a me poursuivre et moi a me sauver, ayant
grand soin de me tenir hors de la portee du fouet. Je m'amusai beaucoup
a cette course; je voyais la colere de ma maitresse augmenter a mesure
qu'elle se fatiguait; je la faisais courir et suer sans me donner de
mal, la mechante femme etait en nage, etait rendue, sans avoir eu le
plaisir de m'attraper seulement du bout de son fouet. Mon ami etait
suffisamment venge quand la promenade fut terminee. Je le cherchai des
yeux, car je l'avais vu courir du cote de mon enclos; mais il attendait,
pour se montrer, le depart de sa cruelle maitresse.
--Miserable! scelerat! cria l'enragee fermiere en se retirant; tu me le
payeras quand tu seras sous le bat.
Je restai seul. J'appelai; Medor sortit timidement la tete du fosse ou
il etait cache; je courus a lui.
--Viens! lui dis-je. Elle est partie. Qu'as-tu fait? Pourquoi te
faisait-elle battre par Jules?
--Parce que j'avais un morceau de pain qu'un des enfants avait pose par
terre: elle m'a vu, s'est elancee sur moi, a appele Jules, et lui a
ordonne de me battre sans pitie.
--Est-ce que personne n'a cherche a te defendre?
--Me defendre! Ah oui! vraiment! ils ont tous crie: "C'est bien fait!
c'est bien fait! Fouette-le, Jules, pour qu'il recommence pas.--Soyez
tranquilles, repondit Jules, je n'irai pas de main-morte; vous allez
voir comme je vais le faire chanter." Et a mon premier cri, ils ont tous
battu des mains et crie: "Bravo! Encore, encore!"
--Mechants petits droles! m'ecriai-je. Mais pourquoi as-tu pris ce
morceau de pain, Medor? Est-ce qu'on ne t'avait pas donne ton souper?
--Si fait, si fait. J'avais mange; mais le pain de ma soupe etait si
emiette, que je n'ai pu en rien retirer pour toi, et si j'avais pu
emporter ce gros morceau que les enfants avaient fait tomber, tu aurais
eu un bon regal.
--Mon pauvre Medor, c'est pour moi que tu as ete battu!... Merci, mon
ami, merci; je
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