Enfin, ils lui attacherent au cou une ficelle qui le serrait a
l'etrangler, le tirerent apres eux, et le firent avancer avec force
coups de pied; ils arriverent ainsi jusqu'a la riviere; l'un deux allait
l'y jeter apres avoir defait la ficelle; mais le plus grand s'ecria:
--Attends, donne-moi la ficelle, attachons-lui deux vessies au cou pour
le faire nager, nous le pousserons jusqu'a l'usine, et nous le ferons
passer sous la roue.
Le pauvre Medor se debattait vainement; que pouvait-il faire contre une
douzaine de gamins dont les plus jeunes avaient pour le moins dix ans?
Andre, le plus mechant de la bande, lui attacha les deux vessies autour
du cou, et le lanca au beau milieu de la petite riviere. Mon malheureux
ami, pousse par le courant plus encore que par les perches que tenaient
ses bourreaux, etait a moitie noye et a moitie etrangle par la ficelle
que l'eau avait resserree. Il arriva ainsi jusqu'a l'endroit ou l'eau
se precipitait avec violence sous la roue de l'usine. Une fois sous la
roue, il devait necessairement y etre broye.
Les ouvriers revenaient de diner, et s'appretaient a lever la pale qui
retenait l'eau. Celui qui devait la lever apercut Medor, et s'adressa
aux mechants enfants qui attendaient en riant que la pale, une fois
levee, laissat passer Medor, et que l'eau l'entrainat sous la roue.
--Encore un de vos mechants tours, mauvais garnements. Eh! les amis, a
moi! Venez corriger ces gamins qui s'amusent a noyer un pauvre chien.
Ses camarades accoururent, et, pendant qu'il sauvait Medor en lui
tendant une planche, sur laquelle il monta, les autres firent la chasse
a ses tourmenteurs, les attraperent tous, et les fouetterent, les
uns avec des cordes, les autres avec des fouets, d'autres avec des
baguettes. Ils criaient tous a qui mieux mieux; les ouvriers n'en
tapaient que plus fort. Enfin, ils les laisserent aller, et la bande
partit, criant, hurlant et se frottant les reins.
Le sauveur de Medor avait coupe la ficelle qui l'etranglait; il l'avait
couche au soleil sur du foin; Medor fut bientot sec et pret a retourner
a la maison. Le forgeron l'y ramena, mais on lui dit qu'il pouvait bien
le garder, qu'on avait deja trop de chiens, et qu'on jetterait celui-la
a l'eau avec une pierre au cou s'il ne voulait pas l'emmener. C'etait un
brave homme; il eut pitie de Medor et le ramena chez lui. Quand sa femme
vit le chien, elle jeta les hauts cris, disant que son mari la ruinait,
qu'elle n'avait pas
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