ortait au bon chanoine, dont l'indulgente
affection ne se scandalisait pas trop des espiegleries du petit mauvais
sujet; d'ailleurs, celui-ci voyait, dans les commencements de sa
nouvelle carriere, une occasion de se donner du bon temps, de prolonger
les heures de sa liberte et de gaspiller gaiement les annees de sa
jeunesse, en attendant qu'il eut l'age et les qualites d'un vrai
chanoine; il s'accommoda ainsi d'un apprentissage ennuyeux de theologie,
qui ne l'empechait pas de frequenter les reunions les plus joyeuses
et les plus dissipees, tandis que l'esclavage du metier de clerc
de procureur ne lui eut permis que l'ecole buissonniere et les
divertissements crapuleux de la bazoche. Content de son sort, il
n'aurait demande ni benefice, ni canonicat, si cette vie de plaisir
avait pu durer toujours.
Scarron n'habitait pas, a Paris, la maison paternelle, mais celle de son
oncle, dans la rue d'Enfer, vis-a-vis le couvent et le vaste enclos des
Chartreux, qui n'etaient pas encore enfermes dans l'enceinte des murs
de la ville, laquelle ne s'etendait pas alors au dela de la place
Saint-Michel. Le pere de Scarron avait mis son fils sous la direction
immediate de son frere, le chanoine, excellent homme, aussi depourvu de
fermete que de jugement, et le jeune homme etait cense travailler a son
instruction clericale, en suivant les lecons d'un celebre professeur de
droit sacre au college de Montaigu, sur la montagne Sainte-Genevieve,
et en observant la regle du noviciat des Peres Feuillants, qui etaient
voisins de la demeure du bon chanoine. Mais Scarron n'entrait au
noviciat, que par hasard, pour troubler les novices, boire le vin de
leur cave et depouiller leur jardin de ses fleurs et de ses fruits;
quant au college de Montaigu, il n'y paraissait jamais, et lorsque son
oncle venait a l'interroger sur quelque point de doctrine religieuse,
le malin garcon eludait la question par un bon mot et citait les vieux
auteurs francais, Clement Marot et Rabelais, au lieu des Peres de
l'Eglise. L'oncle riait en le grondant et finissait par rire sans le
gronder, ce qui encourageait le neveu a continuer cette vie debauchee,
qu'il passait au jeu de paume et au cabaret, rendez-vous ordinaire
des seigneurs a la mode, en meme temps que dans _les ruelles_ et les
_bureaux d'esprit_: c'est ainsi qu'on appelait les chambres et les
salons des hotels de la place Royale, ou _les beaux esprits_ et les
_precieuses_ tenaient leurs assemblees. Scarron jouai
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