Paul Scarron, qui, au XVIIe siecle, acquit une bizarre reputation comme
createur du genre bouffon qu'il mit a la mode par ses ouvrages en prose
et en vers, n'etait pas infirme et contrefait de naissance, tel que son
portrait nous le represente, avec le visage bleme et amaigri, le front
chauve, le cou tordu, les jambes arquees et le corps en Z, selon sa
propre expression, et tel qu'il se depeint lui-meme dans une de ses
lettres, ou il regrette tout ce qu'il avait perdu, en disant: "Ah! si le
Ciel m'eut laisse des jambes qui ont bien danse, des mains qui ont su
peindre et jouer du luth, et enfin un corps tres adroit!" Il vint au
monde, en 1610, sans le plus leger desagrement de nature, et son pere,
conseiller au Parlement de Paris, put se flatter d'avoir un successeur
aussi bien fait qu'il l'etait lui-meme.
Le jeune Scarron fut eleve avec soin, et son esprit se developpa plus
rapidement que son physique; a douze ans, outre les etudes du college
qui ne suffisaient pas a son avidite de savoir, il rimait deja, en style
agreable excellait a peindre la miniature, dansait a merveille et jouait
du luth en s'accompagnant de la voix, complements indispensables d'une
education de gentilhomme, a cette epoque ou la poesie, la peinture, la
danse et la musique etaient les bien-venues a la cour et a la ville.
Scarron etait d'une taille mediocre, mais elegante et gracieuse; ses
cheveux blonds, ses yeux bleus et son teint de femme, donnaient a sa
physionomie une douceur, que ne dementaient pas son parler et son regard
caressants; il avait l'abord affable et le geste noble, avec cette
exquise politesse qui etait en usage dans les societes des beaux
esprits. Malheureusement son pere, dont le patrimoine avait ete devore
par d'anciennes dettes de famille, n'ayant pas les moyens de soutenir
la position elevee que cet enfant etait appele a prendre dans la
magistrature, fut contraint de lui ouvrir une autre carriere; il decida
donc que Paul Scarron entrerait dans les ordres ecclesiastiques.
Cette decision, il est vrai, avait ete sollicitee de longue date par un
vieil oncle du jeune Scarron, et cet oncle, chanoine du Mans, riche de
deux abbayes en Beauce, s'engageait a faire son neveu heritier de tous
ses biens pourvu qu'il en fit un pretre. Scarron, d'une humeur joviale
et libertine, ne sentait aucune vocation pour les devoirs austeres de
la pretrise; mais il dut obeir a l'autorite absolue de ses parents et
surtout a la tendresse qu'il p
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