u; mais quand ils virent leur chef seul et monte sur
Durrat, ils se dirent entre eux: "Kourroglou aura ete attrape par cette
adroite tete pelee." Ils eurent peur de la colere de Kourroglou, et se
disperserent dans toutes les directions. Chacun d'eux comme un rat, se
cacha dans quelque trou. Ayvaz seul fut assez hardi pour parler, et
dit: "Agha, tu as fait un bon marche; Durrat pour Kyrat! As-tu pris le
voleur?--Va-t'en, sot enfant!" Le jeune homme effraye s'eloigna.
Kourroglou s'en fut dans le harem, et, pendant les six mois qui
suivirent, il ne bougea pus de la chambre de Nighara. Au bout de ce
temps, il dit: "Nighara, Hamza m'a fait une promesse: il faut que
j'aille la-bas et que j'y meure ou que je revienne avec Kyrat."
Il se leva, revetit l'habit d'un Aushik, et, apres avoir pris conge de
sa femme, il partit.
En s'approchant du camp des Haniss, il se preparait a passer une large
riviere, quand il remarqua sur le sable la trace des pieds d'un cheval
qui l'avait franchie en un saut, d'une rive a l'autre. Il dit dans son
coeur: "Nul cheval au monde, excepte mon Kyrat, ne pourrait accomplir
une chose semblable. Hamza a du venir ici avec lui."
Etant entre dans le camp, il mit un temps considerable a faire le tour
des tentes nombreuses et des cordes tendues qui en marquaient les
limites. Fidele a son role, il chantait tout le temps de sa plus belle
voix, charmant et egayant tous ceux qu'il rencontrait; et toutes ses
chansons etaient a l'eloge du cheval.
Cette nouvelle parvint bientot aux oreilles du pacha; ce seigneur etait
de mauvaise humeur, parce que depuis le jour ou Kyrat lui avait ete
amene par Hamza, il n'avait pu encore monter ce cheval, qui etait
attache dans l'ecurie et ne souffrait que personne s'approchat de lui,
si ce n'est Hamza-Beg. Le pacha ordonna que Kourroglou fut amene en sa
presence. Il lui fit un accueil gracieux, et lui permit de s'asseoir
dans sa tente. "On dit que tu es habile dans l'art de louer les chevaux:
tu arrives justement dans un lieu ou tu peux voir une ecurie qui n'a pas
sa pareille dans tout l'univers." Kourroglou eut peur que Hamza-Beg ne
le trahit; il regarda, et, voyant que ce dernier etait absent, il chanta
l'eloge suivant:
_Improvisation_.--"Laissez-moi chanter l'eloge d'un cheval arabe. Sa
criniere doit etre comme si elle etait de fils de soie; ses pieds ne
doivent pas etre charnus. Ils sont exactement entoures de peau; ses
sabots ont l'air d'avoir ete tournes; ses fer
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