en haine le frotteur, son "pays", a la face jaune, fermee et dure comme
son pain de cire, ce Teyssedre qui, sous pretexte qu'il etait de Riom,
"tandis que meuchieu Achtier n'etait que de Chauvagnat," bousculait sans
respect la lourde table encombree de cahiers, de notes, de rapports,
chassait de piece en piece le pauvre grand homme, reduit a se refugier
dans une soupente prise sur la hauteur de son cabinet, ou, bien que de
taille mediocre, il ne tenait qu'assis. Meuble d'un vieux fauteuil en
tapisserie, d'une ancienne table a jeu et d'un cartonnier, ce debarras
s'eclairait sur la cour par le cintre de la grande fenetre du dessous;
cela faisait dans la muraille une porte d'orangerie, basse et vitree,
devant laquelle l'historien en labeur s'apercevait des pieds a la tete,
peniblement ramasse comme le cardinal La Balue dans sa cage. C'est la
qu'il se trouvait un matin, les yeux sur un vieux grimoire, quand le
timbre de l'entree retentit dans l'appartement envahi par le tonnerre de
Teyssedre.
"Est-ce vous, Fage? demanda l'academicien de sa voix de basse, cuivree
et profonde.
--Non, meuchieu Achtier... ch'est votre garchon."
Le frotteur ouvrait, le mercredi matin, parce que Corentine habillait
madame.
"Comment va le maitre?" cria Paul Astier tout en filant vers la chambre
de sa mere. L'academicien ne repondit pas. Cette ironie de son fils
l'appelant: Maitre, cher maitre,... pour moquer ce titre dont on le
flattait generalement, le choquait toujours.
"Qu'on fasse monter M. Fage des qu'il viendra, dit-il sans s'adresser
directement au frotteur.
--Oui, meuchieu Achtier..." Et le tonnerre recommenca a ebranler la
maison.
"Bonjour, m'man...
--Tiens! c'est Paul. Entre donc... Prenez garde aux plisses,
Corentine."
Madame Astier passait une jupe devant la glace; longue, mince, encore
bien, malgre la fatigue des traits et d'une peau trop fine. Sans bouger,
elle lui tendit sa joue veloutee de poudre qu'il frola de sa barbe en
pointe blonde, aussi peu demonstratifs l'un que l'autre.
"Est-ce que M. Paul dejeune?" demanda Corentine, une forte paysanne a
teint huileux, couture de petite verole, assise sur le tapis comme une
pastoure au pre, en train de raccommoder le bas de la jupe de sa
maitresse, une loque noire; le ton, l'attitude, trahissaient la grande
familiarite dans la maison de la bonne a tout faire mal retribuee.
Non, Paul ne dejeunait pas. On l'attendait. Il avait son boghey en bas:
venu seulement po
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