ure prendrait toujours cette expression-la.
V
Ce soir, diner de gala, puis reception intime a l'hotel Padovani. Le
grand-duc Leopold recoit a la table de "sa parfaite amie," comme il
appelle la duchesse, quelques membres tries des differentes sections de
l'Institut, et rend ainsi aux cinq Academies la politesse de leur
accueil, les coups d'encensoir de leur directeur. Comme toujours, chez
l'ancienne ambassadrice, le monde diplomatique est avantageusement
represente, mais l'Institut prime tout, et la place meme des convives
precise l'intention du diner. Le grand-duc, assis en face de la
maitresse de maison, a Madame Astier a sa droite, a sa gauche la
comtesse de Foder, femme du premier secretaire de l'ambassade
finlandaise, faisant fonction d'ambassadeur. La droite de la duchesse
est occupee par Leonard Astier, la gauche par Monseigneur Adriani, nonce
du Pape; puis suivent et s'alternent le baron Huchenard pour les
Inscriptions et Belles-Lettres, Mourad-Bey ambassadeur de Turquie, le
chimiste Delpech de l'Academie des Sciences, le ministre de Belgique, le
musicien Landry de l'Academie des beaux-arts, Danjou, l'auteur
dramatique, un des cabotins de Picheral, enfin le prince d'Athis, qui,
par son double titre de ministre plenipotentiaire et de membre de
l'Academie des sciences morales et politiques, donne bien la note a deux
teintes du salon. En bout de table, le general aide de camp de Son
Altesse, le jeune garde-noble comte Adriani, neveu du Nonce, et Lavaux,
l'indispensable, l'homme de toutes les fetes.
Le feminin manque d'agrement. Rousse et vive, toute menue, engoncee de
dentelles jusqu'au bout de son petit nez pointu, la comtesse de Foder a
l'air d'un ecureuil enrhume. La baronne Huchenard, moustachue, sans age,
donne l'impression d'un vieux monsieur decollete, tres gras. Madame
Astier, en robe de velours demi-ouverte, un cadeau de la duchesse,
sacrifie a sa chere Antonia la joie qu'elle aurait a montrer ses bras,
ses epaules, ce qui lui reste; et grace a cette attention, la duchesse
Padovani semble, a table, la seule femme. Grande, blanche, dans sa robe
de chez Chose, une toute petite tete aux beaux yeux dores, orgueilleux
et mobiles, des yeux de bonte, de tendresse et de colere, sous de longs
sourcils noirs presque rejoints, le nez court, la bouche voluptueuse et
violente, et l'eclat d'un teint de jeunesse, d'un teint de femme de
trente ans, qu'elle doit a l'habitude de passer l'apres-midi au lit
quan
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