ables broussailles. A l'entree de ce couloir la
muraille portait: _Corridor des huissiers_. Ils le retrouverent a peu
pres semblable a l'etage au-dessus, seulement, ici, la toiture ayant
cede, ce n'etait plus qu'une longue terrasse de broussailles montant aux
arcades restees debout et retombant en lianes echevelees et battantes
jusqu'au niveau de la cour d'honneur. Et l'on apercevait de la-haut les
toits des maisons voisines, les murs blancs de la caserne rue de
Poitiers, les grands platanes de l'hotel Padovani balancant a leur cime
des nids de corneilles, abandonnes et vides jusqu'a l'hiver, puis, en
bas, la cour deserte, pleine de soleil, le petit jardin du relieur et
son etroite maisonnette.
"Dis donc, mon vieux, y en a-t-il! y en a-t-il!... disait Vedrine
montrant a son camarade la flore sauvage, d'une exuberance, d'une
variete si extraordinaires, dont le palais entier etait envahi... si
Crocodilus voyait ca, quelle colere!" Tout a coup se reculant: "C'est
trop fort, par exemple..."
En bas, vers la maison du relieur, venait d'apparaitre Astier-Rehu
reconnaissable a sa longue redingote vert serpent, a son haute-forme
elargi et plat; celebre sur la rive gauche, ce chapeau jete en arriere
sur des boucles grises, aureolant l'archange du baccalaureat, Crocodilus
en personne. Il s'entretenait assez vivement avec un tout petit homme,
tete nue et luisant de cosmetique, sangle dans un veston clair ou
saillait, comme une coquetterie, la difformite de son dos. On ne pouvait
entendre leurs paroles, mais Astier semblait tres anime, agitant sa
canne, penchant sa taille vers la face du petit etre tres calme au
contraire, l'air reflechi, ses deux grandes mains en arriere croisees
sous sa bosse.
"Il travaille donc pour l'Institut, cet avorton?" demanda Freydet qui se
rappelait maintenant ce nom de Fage prononce par son maitre. Vedrine ne
repondit pas, attentif a la mimique des deux hommes dont la discussion
venait de s'interrompre brusquement, le bossu rentrant chez lui avec un
geste de dire: "Comme vous voudrez..." tandis qu'Astier-Rehu gagnait a
grands pas furieux la sortie du palais vers la rue de Lille, puis,
hesitant, revenait vers la boutique dont la porte se refermait sur lui.
"C'est drole, murmurait le sculpteur... Pourquoi Fage ne m'a-t-il
jamais dit?... Quel abime, ce petit homme!... Apres tout, peut-etre
font-ils leurs farces ensemble... la chasse a l'in-12 et a l'in-8o.
--Oh! Vedrine."
* *
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