e crois pas. Ou vas-tu? Que veux-tu faire?
--Fiche-moi la paix, n'est-ce pas?... ne te mele de rien... tu n'as
vraiment pas assez de veine."
Il sortit dans un flot de visiteurs que chassait la fin de l'entr'acte,
et elle reprit sa place a gauche de Mme Ancelin aussi exaltee, aussi
adorante que tout a l'heure, en perpetuel etat de grace.
"Oh! ce Coquelin... Mais regardes donc, ma chere."
Ma chere etait distraite, en effet, les yeux perdus, le sourire
douloureux d'une danseuse sifflee, et, sous pretexte que la rampe
l'aveuglait, tournee a tout instant vers la salle pour y chercher son
fils. Une affaire avec le prince, peut-etre, s'il est ici... Et par sa
faute a elle, par sa stupide maladresse...
"Oh! ce Delaunay... Av'vous vu?... av'vous vu?"
Non, elle ne voyait que la loge de la duchesse ou quelqu'un venait
d'entrer, la tournure elegante et jeune de son Paul; mais c'etait le
petit comte Adriani au fait de la rupture comme tout Paris et se lancant
deja sur la piste. Jusqu'a la fin du spectacle la mere se rongea
d'angoisse, roulant mille projets confus qui se bousculaient dans sa
tete avec des choses passees, des scenes qui auraient du l'avertir. Ah!
bete, bete... Comment ne s'etre pas doutee?...
La sortie, enfin! mais si lente encore, des haltes a chaque pas, des
saluts, des sourires, les adieux echanges... "Que faites-vous cet ete?
Venez donc nous voir a Deauville..." Par l'etroit couloir ou l'on se
presse, ou les femmes achevent de s'empaqueter, avec ce joli geste qui
assure les boutons d'oreilles, par le large escalier de marbre blanc au
bas duquel attend la livree, la mere, tout en causant, guette, ecoute,
cherche a surprendre dans la rumeur de la grande ruche mondaine qui se
disperse pour des mois, un mot, une allusion a quelque scene de
corridor. Justement voici la duchesse qui descend, fiere et droite dans
son long manteau blanc et or, au bras du jeune garde-noble. Elle sait
quel tour infame lui a joue son amie, et les deux femmes croisent au
passage un regard froid, sans expression, plus redoutable que les plus
violentes engueulades de bateau-lavoir. Elles savent maintenant comment
compter l'une sur l'autre et que tous les coups porteront, frappes aux
bons endroits par des mains exercees, dans cette guerre au curare
succedant a une intimite de soeurs; mais elles accomplissent la corvee
mondaine, masquees d'un pareil sang-froid, et leurs deux haines, l'une
puissante, l'autre venimeuse, peuvent se fro
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