apporteur des prix de vertu, le
subissait violemment, ce mysterieux et vilain attrait; veuf, d'age mur,
la joue violacee, les traits melancoliques, il essayait de subjuguer la
chatelaine par un deploiement de graces viriles et sportiques qui lui
valaient quelques mesaventures. Un jour, en bateau, voulant manier la
godille a grand renflement de biceps, il tombait dans la Loire; une
autre fois, qu'il caracolait a la portiere du landau, sa bete le serrait
si durement contre la roue, qu'on etait oblige de le garder et
cataplasmer a la chambre plusieurs jours. Mais c'est au salon qu'il
faisait beau le voir "danser devant l'arche," selon le mot de Danjou,
ployer, derouler son grand corps, appeler en combat singulier de
dialectique le jeune critique, pessimiste farouche age de vingt-trois
ans, que le vieux philosophe ecrasait de son optimisme imperturbable. Il
avait ses raisons pour trouver la vie bonne, et meme excellente, le
philosophe Laniboire, dont la femme etait morte d'une angine gagnee au
chevet de ses enfants, emportes tous les deux avec la mere; et toujours,
dans son dithyrambe en faveur de l'existence, le bonhomme terminait
l'expose de ses doctrines par une sorte de demonstration au tableau, un
geste adulateur vers le corsage en demi-peau de la duchesse:
"Trouvez-donc la vie mauvaise devant ces epaules-la!"
Le jeune critique, lui, faisait sa cour d'une facon plus subtile, pas
mal scelerate meme. Grand admirateur du prince d'Athis, encore a l'age
ingenu qui traduit admiration par imitation, il copiait des son entree
dans le monde les attitudes, la demarche, jusqu'aux airs de tete de
Samy, son dos en voute, son sourire vague et ferme de meprisants
silences; maintenant, il accentuait cette ressemblance de details de
toilette, guettes, ramasses enfantinement, depuis la maniere d'epingler
la cravate dans l'evasement du col jusqu'au carrele fauve d'un pantalon
de coupe anglaise. Trop de cheveux, malheureusement, et pas un poil de
barbe, d'ou ses efforts perdus et l'absence de tout revenez-y troublant
chez l'ancienne maitresse du prince, aussi indifferente a son carrelage
anglais qu'aux mourantes oeillades de Bretigny le fils ou aux pressions
vigoureuses de Bretigny le pere, quand il lui prenait le bras pour aller
a table. Seulement cela entretenait autour d'elle cette atmosphere
tiede, empressee et galante, a laquelle d'Athis l'avait longtemps
habituee, jouant jusqu'a la courbature son personnage d'attentif; et
l'orgueil
|