evait rester en place, regarder la scene, faire chorus avec la
dame: "Oh! ce Coquelin... Oh! ce Delaunay... Oh!... Ah!..." Dur
supplice pour elle, cette attente; pour Paul aussi qui ne voyait rien
que la barre eclatante et chaude de la rampe, et refletee dans le
panneau de glace du cote, une partie de la salle, fauteuils, loges et
parterre, des rangees de physionomies, d'atours, de chapeaux, comme
noyes dans une gaze bleuatre, avec l'aspect decolore, fantomatique des
objets entrevus sous l'eau. A l'entr'acte, corvee des compliments:
"Et la robe de Reichemberg, av'vous vu, monsieur Paul?... ce tablier de
jais rose?... cette quille en rubans?... av'vous vu?... Non, vraiment,
on ne s'habille qu'ici."
Des visites arrivaient. La mere put ravoir son fils, l'entrainer sur le
divan, et la, parmi les boas, les sorties, ils parlaient bas, de tout
pres.
"Reponds vite et net, commenca-t-il... Samy se marie?
--Oui, la duchesse le sait depuis hier... Mais elle est venue quand
meme... C'est si orgueilleux, ces Corses!
--Et le nom de la rastaquouere... Peux-tu le dira maintenant?
--Colette, voyons! tu t'en doutais.
--Pas le moins du monde... Combien auras-tu pour ca?"
Triomphante, elle murmura: "Deux cent mille...
--Ca me coute vingt millions, a moi, tes intrigues!... Vingt millions et
la femme..." et lui broyant les poignets rageusement, il lui jeta dans
la figura: "Gaffeuse!"
Elle en resta suffoquee, abrutie. Lui, c'etait lui, cette resistance
qu'elle sentait a certains jours, ce travail contre le sien; c'etait lui
le "si vous saviez" de cette petite sotte, quand elle sanglotait eperdue
dans ses bras. Ainsi, au bout de cette sape qu'ils menaient chacun de
son cote vers le tresor, avec tant de ruse, de patient mystere, un
dernier coup de pioche et les voila tous deux face a face, sans rien.
Ils ne parlaient plus, se regardant, le nez de cote, leurs yeux pareils
ferocement allumes dans l'ombre, pendant le va-et-vient des visites, des
conversations. Et c'est une forte discipline, allez, que cette
discipline du monde, pouvant refouler en ces deux etres les cris, les
trepignements, l'envie de rugir et de massacrer dont leurs ames etaient
soulevees. Mme Astier, la premiere, pensa tout haut:
"Encore si la princesse n'etait pas partie." Sa bouche se tordait de
rage; une idee a elle, ce brusque depart.
"On la fera revenir, dit Paul.
--Comment?"
Sans repondre, il demanda: "Samy est-il dans la salle?
--... Je n
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