ait qu'apres une absence, elle etait
enfin rentree chez elle; et combien elle savourait mieux que son mari
les avantages materiels de la situation, plus de loyer a payer, ni
d'eclairage, ni de chauffage, une grande economie pour les receptions de
l'hiver, sans compter les appointements augmentes, les hautes relations,
les influences precieuses, surtout pour son Paul et la chasse aux
commandes! Quand Mme Loisillon vantait autrefois les charmes de son
logement a l'Institut, elle ne manquait jamais d'ajouter avec emphase:
"J'y ai recu jusqu'a des souveraines.--Oui, dans le petit endroit..."
ripostait acidement la bonne Adelaide dressant son long cou. En effet,
les jours de grandes seances, longues et fatigantes, il n'etait pas rare
qu'a la sortie quelque haute dame, princesse royale en tournee, mondaine
influente aux ministeres, montat faire a la femme du secretaire
perpetuel une courte visite interessee. C'est a des hospitalites de ce
genre que Mme Loisillon devait son poste actuel de directrice, et Mme
Astier ne serait certainement pas plus maladroite qu'elle a tirer parti
du "petit endroit." Une seule chose genait son triomphe du moment: sa
brouille personnelle avec la duchesse, qui l'empechait de rejoindre
Paul a Mousseaux. Mais une invitation arrivait a point de Clos-Jallanges
pour la rapprocher de son fils par le voisinage des deux chateaux, et
elle esperait peu a peu rentrer en grace aupres de la belle Antonia,
pour qui elle se sentait redevenir toute tendre en la voyant si bonne
avec son Paul.
Leonard, retenu a Paris par son service, la besogne de Loisillon de
plusieurs mois en retard, laissa partir sa femme, promettant d'aller
passer quelques jours aupres de leurs amis, bien decide, en realite, a
ne pas s'eloigner de son cher Institut. On y etait si bien, si au calme!
Deux seances par semaine pour lesquelles il n'avait que la cour a
traverser, seances d'ete, intimes, familieres, a cinq, six "jetonniers"
somnolant sous le chaud vitrage. Le reste de la semaine, liberte
absolue. Le laborieux vieillard en profitait pour corriger les epreuves
de son _Galilee_ enfin termine, pret a paraitre a l'entree de la saison.
Il sarclait, emondait, veillait A CE QU'IL N'Y EN EUT PAS. A CE QU'IL
N'Y EN EUT PAS DU TOUT, preparait encore une seconde edition de sa
_Maison d'Orleans_, enrichie de nouvelles pieces inedites qui en
doublaient la valeur. Le monde se fait vieux; l'histoire,--cette memoire
de l'humanite, soumise comme telle
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