ments de
robe, et tout autour du pavillon, sous les erables, on eut dit des pas,
un pietinement de foule silencieuse qui rodait. Elle se leva
frissonnante: "Il fait froid, rentrons." Son sacrifice etait fait. Elle
en mourrait, sans doute, mais le monde ne verrait pas cet abaissement
de la duchesse Padovani en Madame Paul Astier, epousant son architecte.
Paul, tout le soir, s'occupa sans affectation de son depart, donna des
ordres pour ses malles, des pourboires princiers au service, s'informa
des heures de train, toujours libre de lui, causeur, sans parvenir a
troubler la bouderie silencieuse de la belle Antonia, absorbee dans la
lecture d'une revue dont elle ne tournait pas les pages. Seulement quand
il lui fit ses adieux, ses remerciements pour sa longue et bonne
hospitalite, il vit dans la lumiere du vaste abat-jour de dentelle
l'angoisse de ce fier visage, la grace implorante de ces beaux yeux de
fauve mourant.
Dans sa chambre, le jeune homme s'assura que le verrou du fumoir etait
ferme, eteignit tout et attendit, immobile sur le divan pres de la
petite porte. Si elle ne venait pas, il s'etait trompe, tout serait a
refaire. Mais un leger bruit, la soie du peignoir dans le passage
derobe, et apres la surprise de ne pas entrer tout droit, un coup
effleure du bout du doigt plutot que frappe. Il ne bougea pas, resista
meme a une tousserie avertissante, l'entendit s'eloigner, le pas
nerveux, en saccades.
"Maintenant, pensa-t-il, elle est prise. J'en ferai ce que je
voudrai..." et il se coucha tranquillement.
* * * * *
"Si je m'appelais le prince d'Athis, seriez-vous devenue ma femme a
l'expiration de votre deuil?... Pourtant d'Athis ne vous aimait pas et
Paul Astier vous aime, et, fier de son amour, aurait voulu le proclamer
devant tous, au lieu de le cacher comme une honte. Ah! Mari' Anto! Mari'
Anto!... quel beau reve je viens de faire... Adieu pour jamais."
Elle lut cette lettre, les yeux a peine ouverts, tout gros des larmes
versees dans la nuit: "Monsieur Astier est-il parti?" La chambriere qui
se penchait pour rattacher les persiennes, voyait justement la voiture
emportant M. Paul, tout au bout de l'avenue, trop loin deja pour qu'on
put les rappeler. La duchesse sauta de son lit, courut a la pendule:
"Neuf heures!" L'express ne passait a Onzain qu'a dix heures. "Vite un
courrier... Bertoli... le meilleur cheval... " En traversant les bois
au raccourci, on arriverait avant
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