autographique, ce long visage blafard aux paupieres rougies et
clignotantes, puis, dans un severe claquement de machoire, interrogea:
"Ces manuscrits sont-ils a vous, monsieur Fage?
--Oh! non, cher maitre..." Il n'etait, lui, que l'intermediaire d'une
personne... une vieille demoiselle noble, forcee de se defaire piece a
piece d'une tres riche collection, dans sa famille deja du temps de
Louis XVI. Encore n'avait-il voulu s'entremettre qu'apres l'avis d'un
savant illustre et integre entre tous; maintenant, fort de l'approbation
du maitre, il comptait s'adresser a de riches collectionneurs, au baron
Huchenard, par exemple. Astier-Rehu l'interrompit: "Inutile!
apportez-moi tout votre fonds Galilee. J'en ai le placement." Du monde
arrivait, s'installait aux petites tables, le public des archives,
chercheur et fureteur, silhouettes silencieuses et blanchies de
terrassiers des catacombes, sentant le moisi, le renferme, l'exhumation.
"La-haut... dans mon cabinet... pas ici..." murmura l'archiviste
contre la grande oreille du bossu qui s'eloignait, gante, pommade, la
raie partageant le front, avec l'orgueilleuse suffisance assez frequente
chez ce genre d'infirmes.
Un tresor, cette collection Mesnil-Case,--le nom de la demoiselle livre
par Albin Fage sous le plus absolu secret,--un tresor inepuisable en
pieces des seizieme et dix-septieme siecles, variees, curieuses,
eclairant le passe d'un jour nouveau, bouleversant parfois d'un mot,
d'une date, les notions acquises sur les faits et les hommes. Si couteux
fussent-ils, Leonard Astier ne laissait echapper aucun de ces documents
concordant presque toujours avec ses travaux en train ou en projet. Et
pas l'ombre d'un doute sur les recits du petit homme, ces liasses
entieres d'autographes s'empoussierant encore dans le grenier d'un vieil
hotel de Menilmontant. Si apres quelque observation venimeuse du prince
des autographiles, un soupcon effleurait sa confiance, comment aurait-il
tenu devant le sang-froid du relieur installe a sa table, ou bien
arrosant ses salades dans la paix du grand cloitre vert, surtout devant
l'explication toute naturelle qu'il donnait aux lapsus et regrattages
visibles sur certains feuillets, avec le coup de mer subi par le fonds
Mesnil-Case lorsqu'on le fit passer en Angleterre, au temps de
l'emigration? Rassure, reconforte, Astier-Rehu retraversait la cour d'un
pas alerte, emportant chaque fois quelque nouvelle acquisition contre un
cheque de cinq cents
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