s ces dames pour
acclamer cette diversion rare a la monotonie des journees; et quelle
aubaine pour ces privilegiees, deja si fieres de leurs lettres datees de
Mousseaux, d'envoyer a toutes les bonnes amies absentes le compte rendu
d'une piece inedite de Danjou, lue par Danjou lui-meme, puis de pouvoir
dire cet hiver, au moment des repetitions: "La piece de Danjou! je la
connais, il nous l'a lue au chateau."
Comme on quittait la table dans l'effervescence de cette bonne nouvelle,
la duchesse s'approcha de Paul Astier et, lui prenant le bras avec sa
grace un peu despotique: "Un tour de galerie... on etouffe..." L'air
etait lourd, meme a ces hauteurs ou la Loire, comme etamee, envoyait une
buee de cuve chaude, epandue et noyant le desordre vert de ses rives et
de ses ilots a demi-submerges. Elle entraina le jeune homme tout au bout
de la derniere arcade, loin des fumeurs, et lui pressant les mains:
"Ainsi c'est moi... c'est pour moi...
--Pour vous, duchesse..."
Et il ajouta, la levre mince: "Ce n'est pas fini... nous
recommencerons...
--Voulez-vous bien vous taire, malheureux enfant."
Elle s'interrompit a l'approche d'un pas rodeur et curieux: "Danjou!
--Duchesse?...
--Mon eventail que j'ai laisse a ma place dans la salle...
voulez-vous?... serez gentil..." et quand il fut loin: "Je vous
defends, Paul... d'abord, on ne se bat pas avec un pareil miserable...
Ah! si nous etions seuls... si je pouvais vous dire..." Il y avait
dans l'enervement de sa voix et de ses mains un transport dont Paul
Astier s'etonna. Au bout d'un mois, il esperait la trouver plus
resignee. Ce fut une deception, qui lui coupa un irresistible: "Je vous
aime... Je vous ai toujours aimee..." prepare pour les premieres
explications de l'arrivee. Il se contentait de lui raconter le duel dont
elle semblait tres curieuse, quand l'academicien rapporta l'eventail.
"Bon zebre, Danjou..." dit-elle en remerciement. L'autre eut un petit
tournement de bouche, et sur le meme ton, a mi-voix: "Oui... mais
promesse d'avancement... sans quoi...
--Des exigences, deja!" Elle le corrigeait d'un leger coup d'eventail,
et, le voulant de bonne humeur pour sa lecture, revint a son bras dans
le salon ou le manuscrit s'etalait a meme une coquette table a jeu dans
le jour direct d'une haute fenetre, entr'ouverte sur les verdures
fleuries, les grandes masses boisees du parc.
_"Les Apparences... piece en trois actes... personnages..."_
Toutes les femmes en ce
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