vous etes tous
figure que rien n'etait plus facile que de bien tirer, qu'il suffisait
de vouloir pour tuer; voyez le resultat, vous avez ete tous trois
ridicules des ce matin; vous avez meprise nos conseils et notre
experience; et enfin vous etes tous trois la cause de la mort de mon
pauvre Medor. Je vois, d'apres cela, que vous etes trop jeunes pour
chasser. Dans un an ou deux nous verrons. Jusque-la retournez a vos
jardins et a vos amusements d'enfants. Tout le monde s'en trouvera
mieux."
Pierre et Henri baisserent la tete sans repondre. On rentra tristement a
la maison; les enfants voulurent enterrer eux-memes dans le jardin mon
malheureux ami, dont je vais vous raconter l'histoire. Vous verrez
pourquoi je l'aimais tant.
XVI
MEDOR
Je connaissais Medor depuis longtemps; j'etais jeune, et il etait plus
jeune encore quand nous nous sommes connus et aimes. Je vivais alors
miserablement chez ces mechants fermiers qui m'avaient achete a un
marchand d'anes, et de chez lesquels je m'etais sauve avec tant
d'habilete. J'etais maigre, car je souffrais sans cesse de la faim.
Medor, qu'on leur avait donne comme chien de garde, et qui s'est trouve
etre un superbe et excellent chien de chasse, etait moins malheureux que
moi; il amusait les enfants qui lui donnaient du pain et des restes de
laitage; de plus, il m'a avoue que lorsqu'il pouvait se glisser a la
laiterie avec la maitresse ou la servante, il trouvait toujours moyen
d'attraper quelques gorgees de lait ou de creme, et de saisir les petits
morceaux de beurre qui sautaient de la baratte pendant qu'on le faisait.
Medor etait bon; ma maigreur et ma faiblesse lui firent pitie; un jour
il m'apporta un morceau de pain, et me le presenta d'un air triomphant.
--Mange, mon pauvre ami, me dit-il, dans son langage; j'ai assez du pain
qu'on me donne pour me nourrir, et toi, tu n'as que des chardons et de
mauvaises herbes en quantite a peine suffisante pour te faire vivre.
--Bon Medor, lui repondis-je, tu te prives pour moi, j'en suis certain.
Je ne souffre pas autant que tu le penses; je suis habitue a peu manger,
a peu dormir, a beaucoup travailler et a etre battu.
--Je n'ai pas faim. Prouve-moi ton amitie en acceptant mon petit
present. C'est bien peu de chose, mais je te l'offre avec plaisir, et si
tu me refusais, j'en aurais du chagrin.
--Alors j'accepte, mon bon Medor, lui repondis-je, parce que je t'aime;
et je t'avoue que ce pain me fera grand bien, car j'a
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