-Bien le bonjour, mesdemoiselles; permettez que je vous aide.
Mes jeunes maitresses, contentes de n'avoir pas a se ceder entre elles,
lacherent la petite fille; la marchande la prit et la posa a terre.
--Qu'y a-t-il pour votre service, mesdemoiselles? dit la marchande.
_Madeleine_:--Nous venons acheter de quoi habiller cette petite fille,
madame Juivet.
_Madame Juivet_:--Volontiers, mesdemoiselles. Vous faut-il une robe ou
une jupe, ou du linge?
_Camille_:--Il nous faut tout, madame Juivet; donnez-moi de quoi lui
faire trois chemises, un jupon, une robe, un tablier, un fichu, deux
bonnets.
_Therese_, bas:--Dis donc, Camille, laisse-moi parler, puisque c'est moi
qui paye.
_Camille_, bas:--Non, tu ne payeras pas tout, nous voulons payer avec
toi.
_Therese_, bas:--J'aime mieux payer seule, c'est ma fille.
--Non, elle est a nous toutes, repliqua tout bas Camille.
--Quelle est l'etoffe que prennent ces demoiselles? interrompit la
marchande, impatiente de vendre.
Pendant que Camille et Therese continuaient leur dispute a voix basse,
Madeleine et Elisabeth se depecherent d'acheter tout ce qu'il fallait.
--Adieu, madame Juivet, dirent-elles; envoyez-nous tout cela chez nous,
et le plus vite possible, je vous en prie; vous enverrez aussi la note.
--Comment, comment, vous avez deja tout achete? s'ecrierent Camille et
Therese.
--Mais oui; pendant que vous causiez, dit Madeleine d'un air malin, nous
avons choisi tout ce qui est necessaire.
--Il fallait nous demander si cela nous convenait, reprit Camille.
--Certainement, puisque c'est moi qui paye, dit Therese.
--Nous payerons aussi, nous payerons aussi, s'ecrierent en choeur les
trois autres.
--Pour combien y en a-t-il? demanda Therese.
_La marchande:_--Pour trente-deux francs, mademoiselle.
--Trente-deux francs! s'ecria Therese effrayee: mais je n'ai que vingt
francs!
_Camille:_--Eh bien! nous payerons le reste.
_Elisabeth:_--Tant mieux, cela fait que nous aurons aussi habille la
petite fille.
_Madeleine, riant:_--Nous voila donc enfin d'accord, grace a Mme Juivet:
ce n'est pas sans peine.
J'avais tout entendu, puisque la porte etait restee ouverte; j'etais
indigne contre Mme Juivet, qui faisait payer a mes bonnes petites
maitresses le double au moins de ce que valaient ses marchandises.
J'esperais que les mamans ne les laisseraient pas faire le marche. Nous
retournames a la maison; tout le monde fut d'accord en revenant, ...
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