e de cuisine_, piquee:--Mon graillon et mes casseroles ne
sentent toujours pas le fumier comme des gens que je connais.
_Les domestiques:_--Ah! ah! ah! la fille est en colere; prends garde au
balai.
_Le cocher:_--Si elle prend le sien, je saurai bien trouver le mien, et
la fourche aussi, et encore l'etrille.
_Le cuisinier:_--Allons, allons, ne la poussez pas trop; elle est vive:
vous savez, faut pas l'irriter.
_Le cocher:_--Tiens! qu'est-ce que ca me fait, moi? Qu'elle se fache, je
me facherai aussi.
_Le cuisinier:_--Mais je ne veux pas de ca, moi, madame n'aime pas les
disputes; il est bien certain que nous aurions tous du desagrement.
_Le premier domestique:_--Le Vatel a raison. Thomas, tais-toi, tu nous
amenes toujours quelque chose comme une querelle. Ce n'est pas ta place
ici, d'abord.
_Le cocher:_--Tiens! ma place est partout quand je n'ai pas d'ouvrage a
l'ecurie.
_Le cuisinier:_--Mais vous en avez de l'ouvrage, regardez donc Cadichon,
qui n'est pas encore debate, et qui se promene en long et en large comme
un bourgeois qui attend son diner.
_Le cocher:_--Cadichon me fait l'effet d'ecouter aux portes; il est plus
fin qu'il n'en l'air; c'est un vrai malin.
Le cocher m'appela, me prit par la bride, m'emmena a l'ecurie, et, apres
m'avoir ote mon bat et m'avoir donne ma pitance, il me laissa seul,
c'est-a-dire en compagnie des chevaux et d'un ane que je dedaignais trop
pour lier conversation avec lui.
Je ne sais ce qui se passa le soir au chateau; le lendemain, dans
l'apres-midi, on me remit mon bat, on monta sur mon dos la petite
mendiante; mes quatre petites maitresses suivirent a pied et me firent
aller au village. Je compris en route qu'elles voulaient acheter de quoi
habiller la petite. Therese voulait tout payer; les autres voulaient
payer chacune leur part; elles se disputaient avec un tel acharnement,
que, si je ne m'etais pas arrete a la porte de la boutique, elles
l'auraient depassee. Elles manquerent jeter la petite par terre en la
descendant de dessus mon dos, parce qu'elles s'elancerent sur elle
toutes a la fois; l'une lui tirait les jambes, l'autre la tenait par
un bras, la troisieme l'avait prise a bras-le-corps, et Elisabeth, la
quatrieme, qui etait forte comme deux ou trois, les poussait toutes
pour aider seule la petite a descendre. La pauvre enfant, effrayee et
tiraillee de tous cotes, se mit a crier; les passants commencaient a
s'arreter, la marchande ouvrit la porte.
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