souterrain, c'etait un bruit a rendre sourd.
--Silence, les anes! dit un gendarme, sans quoi nous allons vous
rattacher vos breloques.
--Laisse-les dire, repond un autre gendarme: tu vois bien qu'ils
chantent les louanges de Cadichon.
--J'aimerais mieux qu'ils chantassent sur un autre ton, reprit le
premier gendarme en riant.
"Cet homme, assurement, n'aime pas la musique, me dis-je a part moi. Que
trouve-t-il a redire aux voix de mes camarades?" Ces pauvres camarades!
ils chantaient leur delivrance.
Nous continuames a marcher. Un des souterrains etait plein d'effets
voles. Dans un autre ils avaient enferme des prisonniers qu'ils
gardaient pour les servir: les uns faisaient la cuisine, le service de
la table, nettoyaient les souterrains; d'autres faisaient les vetements
et les chaussures. Il y avait de ces malheureux qui y etaient depuis
deux ans; ils etaient enchaines deux a deux, et ils avaient tous de
petites sonnettes aux bras et aux pieds, pour qu'on put savoir de quel
cote ils allaient. Deux voleurs restaient toujours pres d'eux pour les
garder; on n'en laissait jamais plus de deux dans le meme souterrain.
Pour ceux qui travaillaient aux vetements, on les reunissait tous, mais
le bout de leur chaine etait attache, pendant le travail, a un anneau
scelle dans le mur.
Je sus plus tard que ces malheureux etaient les voyageurs et les
visiteurs des ruines qui avaient disparu depuis deux ans. Il y en avait
quatorze; ils raconterent que les voleurs en avaient tue trois sous
leurs yeux: deux parce qu'ils etaient malades, et un qui refusait
obstinement de travailler.
Les gendarmes delivrerent tous ces pauvres gens, ramenerent les anes au
chateau, porterent les blesses a l'hospice, et menerent les voleurs en
prison. Ils furent juges et condamnes, le capitaine a mort et les autres
a etre envoyes a Cayenne. Quant a moi, je fus admire par tout le monde;
chaque fois que je sortais, j'entendais dire aux personnes qui me
rencontraient:
"C'est Cadichon, le fameux Cadichon, qui vaut a lui seul plus que tous
les anes du pays."
XIV
THERESE
Mes petites maitresses (car j'avais autant de maitres et de maitresses
que la grand'mere avait de petits-enfants) avaient une cousine qu'elles
aimaient beaucoup, qui etait leur meilleure amie, et a peu pres de leur
age. Cette amie s'appelait Therese; elle etait bonne, bien bonne,
la pauvre petite. Quand elle me montait, jamais elle ne prenait de
baguette, et ne permetta
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