ous, genes pour le
praticien qui s'etait derange inutilement, nous deferames au desir qu'il
exprima de visiter nos nez respectifs, lesquels pourtant n'avaient rien.
Il pretendait que si, et que migraine ou colique, maladie de coeur ou
diabete, c'est une maladie du nez mal comprise. A chacun de nous il dit:
"Voila une petite cornee que je serais bien aise de revoir. N'attendez
pas trop. Avec quelques pointes de feu je vous debarrasserai." Certes
nous pensions a toute autre chose. Pourtant nous nous demandames: "Mais
debarrasser de quoi?" Bref tous nos nez etaient malades; il ne se
trompa qu'en mettant la chose au present. Car des le lendemain son
examen et son pansement provisoire avaient accompli leur effet. Chacun
de nous eut son catarrhe. Et comme il rencontrait dans la rue mon pere
secoue par des quintes, il sourit a l'idee qu'un ignorant put croire le
mal du a son intervention. Il nous avait examines au moment ou nous
etions deja malades.
La maladie de ma grand'mere donna lieu a diverses personnes de
manifester un exces ou une insuffisance de sympathie qui nous surprirent
tout autant que le genre de hasard par lequel les uns ou les autres nous
decouvraient des chainons de circonstances, ou meme d'amities, que nous
n'eussions pas soupconnees. Et les marques d'interet donnees par les
personnes qui venaient sans cesse prendre des nouvelles nous revelaient
la gravite d'un mal que jusque-la nous n'avions pas assez isole, separe
des mille impressions douloureuses ressenties aupres ma grand'mere.
Prevenues par depeche, ses soeurs ne quitterent pas Combray. Elles
avaient decouvert un artiste qui leur donnait des seances d'excellente
musique de chambre, dans l'audition de laquelle elles pensaient trouver,
mieux qu'au chevet de la malade, un recueillement, une elevation
douloureuse, desquels la forme ne laissa pas de paraitre insolite.
Madame Sazerat ecrivit a maman, mais comme une personne dont les
fiancailles brusquement rompues (la rupture etait le dreyfusisme) nous
ont a jamais separes. En revanche Bergotte vint passer tous les jours
plusieurs heures avec moi.
Il avait toujours aime a venir se fixer pendant quelque temps dans une
meme maison ou il n'eut pas de frais a faire. Mais autrefois c'etait
pour y parler sans etre interrompu, maintenant pour garder longuement le
silence sans qu'on lui demandat de parler. Car il etait tres malade: les
uns disaient d'albuminurie, comme ma grand'mere; selon d'autres il avait
une t
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