le ne trouvait pas cela delicat envers Nicolas II qui avait toujours
eu "de si bonnes paroles pour nous"; c'etait un effet du meme code qui
l'eut empechee de refuser a Jupien un petit verre, dont elle savait
qu'il allait "contrarier sa digestion", et qui faisait que, si pres de
la mort de ma grand'mere, la meme malhonnetete dont elle jugeait
coupable la France, restee neutre a l'egard du Japon, elle eut cru la
commettre, en n'allant pas s'excuser elle-meme aupres de ce bon ouvrier
electricien qui avait pris tant de derangement.
Nous fumes heureusement tres vite debarrasses de la fille de Francoise
qui eut a s'absenter plusieurs semaines. Aux conseils habituels qu'on
donnait, a Combray, a la famille d'un malade: "Vous n'avez pas essaye
d'un petit voyage, le changement d'air, retrouver l'appetit, etc...."
elle avait ajoute l'idee presque unique qu'elle s'etait specialement
forgee et qu'ainsi elle repetait chaque fois qu'on la voyait, sans se
lasser, et comme pour l'enfoncer dans la tete des autres: "Elle aurait
du se soigner _radicalement_ des le debut." Elle ne preconisait pas un
genre de cure plutot qu'un autre, pourvu que cette cure fut _radicale_.
Quant a Francoise, elle voyait qu'on donnait peu de medicaments a ma
grand'mere. Comme, selon elle, ils ne servent qu'a vous abimer
l'estomac, elle en etait heureuse, mais plus encore humiliee. Elle avait
dans le Midi des cousins--riches relativement--dont la fille, tombee
malade en pleine adolescence, etait morte a vingt-trois ans; pendant
quelques annees le pere et la mere s'etaient ruines en remedes, en
docteurs differents, en peregrinations d'une "station" thermale a une
autre, jusqu'au deces. Or cela paraissait a Francoise, pour ces
parents-la, une espece de luxe, comme s'ils avaient eu des chevaux de
courses, un chateau. Eux-memes, si affliges qu'ils fussent, tiraient une
certaine vanite de tant de depenses. Ils n'avaient plus rien, ni surtout
le bien le plus precieux, leur enfant, mais ils aimaient a repeter
qu'ils avaient fait pour elle autant et plus que les gens les plus
riches. Les rayons ultra-violets, a l'action desquels on avait,
plusieurs fois par jour, pendant des mois, soumis la malheureuse, les
flattaient particulierement. Le pere, enorgueilli dans sa douleur par
une espece de gloire, en arrivait quelquefois a parler de sa fille comme
d'une etoile de l'Opera pour laquelle il se fut ruine. Francoise n'etait
pas insensible a tant de mise en scene; celle qui e
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