chagrin,
d'eviter de me voir, etant donne ses dispositions pour moi. Il partit,
entraine par son oncle qui, ayant quelque chose de tres important a lui
dire et ayant failli pour cela partir a Doncieres, ne pouvait pas en
croire sa joie d'avoir pu economiser un tel derangement. "Ah! si on
m'avait dit que je n'avais qu'a traverser la cour et que je te
trouverais ici, j'aurais cru a une vaste blague; comme dirait ton
camarade M. Bloch, c'est assez farce." Et tout en s'eloignant avec
Robert, qu'il tenait par l'epaule: "C'est egal, repetait-il, on voit
bien que je viens de toucher de la corde de pendu ou tout comme; j'ai
une sacree veine." Ce n'est pas que le duc de Guermantes fut mal eleve,
au contraire. Mais il etait de ces hommes incapables de se mettre a la
place des autres, de ces hommes ressemblant en cela a la plupart des
medecins et aux croquemorts, et qui, apres avoir pris une figure de
circonstance et dit: "ce sont des instants tres penibles", vous avoir au
besoin embrasse et conseille le repos, ne considerent plus une agonie
ou un enterrement que comme une reunion mondaine plus ou moins
restreinte ou, avec une jovialite comprimee un moment, ils cherchent des
yeux la personne a qui ils peuvent parler de leurs petites affaires,
demander de les presenter a une autre ou "offrir une place" dans leur
voiture pour les "ramener". Le duc de Guermantes, tout en se felicitant
du "bon vent" qui l'avait pousse vers son neveu, resta si etonne de
l'accueil pourtant si naturel de ma mere, qu'il declara plus tard
qu'elle etait aussi desagreable que mon pere etait poli, qu'elle avait
des "absences" pendant lesquelles elle semblait meme ne pas entendre les
choses qu'on lui disait et qu'a son avis elle n'etait pas dans son
assiette et peut-etre meme n'avait pas toute sa tete a elle. Il voulut
bien cependant, a ce qu'on me dit, mettre cela en partie sur le compte
des circonstances et declarer que ma mere lui avait paru tres "affectee"
par cet evenement. Mais il avait encore dans les jambes tout le reste
des saluts et reverences a reculons qu'on l'avait empeche de mener a
leur fin et se rendait d'ailleurs si peu compte de ce que c'etait que le
chagrin de maman, qu'il demanda, la veille de l'enterrement, si je
n'essayais pas de la distraire.
Un beau-frere de ma grand'mere, qui etait religieux, et que je ne
connaissais pas, telegraphia en Autriche ou etait le chef de son ordre,
et ayant par faveur exceptionnelle obtenu l'autorisation, v
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