s ne doivent pas peser plus
d'un okha d'argent; il doit etre robuste et d'une taille moyenne; son
cou doit etre long, mince et uni comme un ruban. Quand on le sort de
l'ecurie, il bondit et se joue de mille manieres."--Bravo, Aushik! cria
le pacha, je n'ai jamais entendu louer le cheval avec tant de _methode_.
Le celebre Kyrat qu'Hamza-Beg m'a amene possede toutes les qualites que
tu as enumerees; mais de quel usage est-il pour moi? Il est si mechant
et si fou, que je ne puis pas le monter.
Kourroglou dit: "Longue vie au pacha! un cheval fou est le meilleur a
monter.--Pour quelle raison?"
Kourroglou chanta ainsi:
_Improvisation_.--"Un noble cheval marche hardiment, comme s'il
cherchait a renverser son cavalier. Il secoue ses oreilles et tire si
fort les renes que le cavalier doit le tenir ferme et ne donner aucun
repos a ses mains. Le cheval d'un guerrier-belier doit etre fou comme
son maitre."
Le pacha appela ses serviteurs: "Faites venir Hamza-Beg devant moi. Je
desire qu'il ecoute ces belles louanges du cheval."
Hamza-Beg avait epouse la plus jeune fille du pacha, et il avait ete
eleve au rang de grand vizir.
Il vint, vetu d'un riche habit de fourrure; son turban etait du plus
beau cachemire, et il avait une suite de trois cents hommes.
Il entra, et, saluant a peine de la tete le pacha, il s'assit sans qu'on
le lui dit et s'etendit sur son siege.
Kourroglou fut grandement surpris de voir tant de splendeur et de
gravite dans un homme qui, six mois auparavant, n'etait qu'un marmiton.
Il se leva humblement de sa place et fit un profond salut. Un frisson
glacial courut sur toute sa peau, et, en saluant, il placa la main sur
son coeur. Ce geste signifiait: Hamza-Beg! sois misericordieux et ne me
trahis pas! Hamza-Beg, en reponse, placa la main sur ses yeux, ce qui
voulait dire: "Ne crains rien et prends patience[29]!"
[Footnote 29: La conversation par signes est portee a une grande
perfection en Perse. Je me rappelle qu'une fois, pendant ma visite a un
certain beglerberg, on lui amena un coupable qui ne voulait pas avouer
sa faute. Le beglerberg ordonna d'apporter les fouets et les felakas.
"Je jure que je suis innocent", s'ecria l'accuse, croisant sur sa
poitrine ses deux poings fermes avec un seul doigt leve en avant. Les
executeurs etaient prets, regardant le beglerberg, qui, de son cote,
fixait les yeux sur la poitrine de l'accuse: "Tu es coupable, drole,
s'ecria-t-il.--Sur ta tete bienheureuse, je
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