que peu de gens lisent ces poemes dans le texte, et qu'on ne les lit
guere plus dans les traductions, puisque la mienne et celles de M.
Simon, allegees autant que possible des redites et longueurs inevitables
de la maniere orientale, n'ont ete goutees et comprises que des
litterateurs.
Et malgre ceci, j'insiste, et je dis: Lisez _Kourroglou_; c'est amusant,
_quoique_ ce soit beau.
GEORGE SAND
Nohant, 24 juin 1833.
PREFACE.
Avez-vous lu Baruch? Peut-etre! Mais vous n'avez pas lu Kourroglou.
Lecteur, que lisez-vous donc! Quoi, vous n'avez pas lu Kourroglou!
Kourroglou a ete traduit du persan (car vous n'etes pas oblige, ni moi
non plus, de savoir le persan), et vous ne vous en doutez pas plus que
je ne m'en doutais la semaine derniere? Ah! si j'etais lecteur de mon
etat, je ne voudrais pas avouer que je ne connais pas Kourroglou! En
vain vous m'alleguerez que Kourroglou a ete traduit du perso-turc
en anglais, et que peut-etre vous ne savez pas l'anglais: c'est une
mauvaise defaite. Vous devriez le savoir, et moi aussi; mais je ne le
sais pas, ni vous non plus, je suppose. Pourtant je le comprends,
assez pour essayer de vous faire connaitre Kourroglou, et je commence,
renvoyant ceux de vous qui lisent l'anglais couramment a la traduction
premiere, qui est toujours la meilleure, ayant ete faite par un homme
verse dans les langues orientales et dans les dialectes tuka-turkman,
perso-turc, zendo-persan et autres, que nous connaissons aussi... de
reputation.
Mais avant d'entendre cette merveilleuse et curieuse histoire, il est
bon que vous sachiez que le fond en est veritable, et que le celebre
Kourroglou, dont vous n'aviez jamais entendu parler, eut un personnage
historique. Le nord de la Perse et les rives de la mer Caspienne sont
pleins de sa gloire, et la recit de ses exploits est aussi populaire que
celui de la guerre de Troie au temps d'Homere. Il est vrai qu'un Homere
a manque a notre heros jusqu'a ce jour, et qu'il a fallu la patience,
la curiosite et le genie investigateur d'un Europeen pour rassembler,
resumer et coordonner les interminables fragments que les rapsodes
orientaux debitent aux oreilles ravies et enflammees de leurs auditeurs.
Honneur et graces soient donc rendus a M. Alexandre Chodzko, l'Homere de
Kourroglou. L'epopee de sa vie n'avait jamais ete ecrite, et il n'est
pas bien prouve que Kourroglou lui-meme ait su ecrire; il avait tant
d'autres choses a faire, le vaillant diable a quatre!
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