es bonnets a poil, c'etait
toute la bourgeoisie armee et habillee; c'etait toute la banlieue,
cette meme feroce banlieue qui criait en 1832: _Mort aux republicains!_
Aujourd'hui, elle crie: _Vive la republique!_ mais: _Mort aux
communistes! Mort a Cabet!_ Et ce cri est sorti de deux cent mille
bouches dont les dix-neuf vingtiemes le repetaient sans savoir ce que
c'est que le communisme; aujourd'hui, Paris s'est conduit comme la
Chatre.
Il faut te dire comment tout cela est arrive; car tu n'y comprendrais
rien par les journaux. Garde pour toi le _secret_ de la chose.
Il y avait trois conspirations, ou plutot quatre, sur pied depuis huit
jours.
D'abord Ledru-Rollin, Louis Blanc, Flocon, Caussidiere et Albert
voulaient forcer Marrast, Garnier-Pages, Carnot, Bethmont, enfin
tous les juste-milieu de la Republique a se retirer du gouvernement
provisoire. Ils auraient garde Lamartine et Arago, qui sont mixtes et
qui, preferant le pouvoir aux opinions (qu'ils n'ont pas), se seraient
joints a eux et au peuple. Cette conspiration etait bien fondee. Les
autres nous ramenent a toutes les institutions de la monarchie, au regne
des banquiers, a la misere extreme et a l'abandon du pauvre, au luxe
effrene des riches, enfin a ce systeme qui fait dependre l'ouvrier,
comme un esclave, du travail que le maitre lui mesure, lui chicane
et lui retire a son gre. Cette conspiration eut donc pu sauver la
Republique, proclamer a l'instant la diminution des impots du pauvre,
prendre des mesures qui, sans ruiner les fortunes honnetes, eussent tire
la France de la crise financiere; changer la forme de la loi electorale,
qui est mauvaise et donnera des elections de clocher; enfin, faire tout
le bien possible, dans ce moment, ramener le peuple a la Republique,
dont le bourgeois a reussi deja a le degouter dans toutes les provinces,
et nous procurer une Assemblee nationale qu'on n'aurait pas ete force de
violenter.
La deuxieme conspiration etait celle de Marrast, Garnier-Pages et
compagnie, qui voulaient armer et faire prononcer la bourgeoisie contre
le peuple, en conservant le systeme de Louis-Philippe, sous le nom de
republique.
La troisieme etait, dit-on, celle de Blanqui, Cabet et Raspail, qui
voulaient, avec leurs disciples et leurs amis des clubs jacobins, tenter
un coup de main et se mettre a la place du gouvernement provisoire.
La quatrieme etait une complication de la premiere: Louis Blanc, avec
Vidal, Albert et l'_ecole ouvriere
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