r, que la bourgeoisie tremble et menace a la fois. Elle
s'effraye du socialisme a ce point de vouloir l'aneantir par la calomnie
et par la persecution, et, si quelque parole prevoyante s'eleve pour
signaler le danger, aussitot mille voix s'elevent pour crier anatheme
sur le facheux prophete.
"Vous provoquez a la haine, s'ecrie-t-on, vous appelez sur nous la
vengeance. Vous _faites croire_ au peuple qu'il est malheureux, vous
nous designez a ses fureurs. Vous ne le plaignez que pour l'exciter.
Vous lui faites savoir qu'il est pauvre parce que nous sommes riches."
Enfin ce que le Christ prechait aux hommes de son temps, la charite,
l'amour fraternel, est devenu une predication incendiaire, et, si Jesus
reparaissait parmi nous, il serait empoigne par la garde nationale comme
factieux et anarchiste.
Voila ce que je crains pour la France, ce Christ des nations, comme
on l'a appelee avec raison dans ces derniers temps. Je crains
l'inintelligence du riche et le desespoir du pauvre. Je crains un etat
de guerre qui n'est pas encore dans les esprits, mais qui peut passer
dans les faits, si la classe regnante n'entre pas dans une voie
franchement democratique et sincerement fraternelle. Alors, je vous le
declare, il y aura une grande confusion et de grands malheurs, car le
peuple n'est pas mur pour se gouverner seul. Il y a dans son sein de
puissantes individualites, des intelligences a la hauteur de toutes les
situations; mais elles lui sont inconnues, elles n'exercent pas sur lui
le prestige dont le peuple a besoin pour aimer et croire. Il n'a point
confiance en ses propres elements, il vient de le prouver dans les
elections de toute la France; il croit trouver des lumieres au-dessus de
lui, il aime les grands noms, les celebrites, quelles qu'elles soient.
Il chercherait donc encore ses sauveurs parmi les bourgeois pretendus
democrates, socialistes ou autres, et il serait encore trompe; car, sauf
quelques exceptions peut-etre, il n'existe point en France un partie
democratique eclaire suffisamment pour exercer une dictature de salut
public. S'en remettrait-il a la sagesse ou a l'inspiration d'un seul?
Ce serait reculer et faire abstraction de tout le progres de l'humanite
depuis vingt ans.
Nul homme ne sera superieur a un principe, et le principe qui doit
donner la vie aux societes nouvelles, c'est le suffrage universel, c'est
la souverainete de tous. Ce n'est donc qu'avec le concours de tous, avec
la bourgeoisie reactio
|