Il
faut voir l'ensemble.
Il y a un mois, je me sentais fort montee contre M. de Lamartine, je
doutais de sa loyaute, je le voyais courant a la presidence supreme. Il
a pourtant compromis, perdu peut-etre, sa popularite bourgeoise pour
conserver sa popularite democratique. Vous direz que c'est une vanite
mieux entendue; soit! il a toujours eu le gout de faire le bon choix,
et le plus courageux dans ce moment-ci. Aujourd'hui, il me semble bien,
comme a vous, que Ledru-Rollin devrait se retirer du pouvoir, et, j'ai
de plus fortes raisons que vous encore pour le penser.
Mais j'attends, et je compte que le bon elan lui viendra quand il
verra clairement la situation. Je le connais, il a du coeur, il a des
entrailles, et, de ce qu'il ne voit pas comme nous en ce moment, il
ne resulte pas qu'il ne sente pas comme nous quand la grande fibre
populaire nous montrera clairement a tous le chemin qu'il faut prendre.
J'en connais d'autres que vous accusez et qui ont bonne intention
pourtant. N'accusons donc pas, je vous en supplie, au nom de l'avenir
de notre pauvre Republique, que nos soupcons et nos divisions dechirent
dans sa fleur! Ne varions pas pour cela sur les principes. Ne vous
genez pas pour dire aux hommes, meme a ceux que vous aimez, qu'ils se
trompent, et ne perdez rien de votre vigueur de discussion sur les
idees, sur les faits memes. Ce que je vous demande en grace, c'est de ne
pas condamner les intentions, les motifs, les caracteres. Eussiez-vous
raison, ce serait, je le repete, de la mauvaise politique, surtout dans
la forme, comme en a fait la _Reforme_ contre le _National_, du temps de
l'autre.
Voila le tas de lieux communs que j'aurais voulu vous dire de vive voix,
avant toutes ces catastrophes, et ce que je disais quelquefois a Barbes.
Mais on n'avait pas le temps de se voir, et c'etait un mal. Il faut
quelquefois entendre le lieu commun, il a souvent la verite pour lui.
C'est cette absence de formes et de procedes, que j'appellerai, si vous
voulez, le _savoir-vivre_ intellectuel, qui me choque particulierement
dans l'affaire du 15. Le peuple a, par-dessus tout, ce savoir-vivre
d'aspiration qui rend ses moeurs publiques injurieuses aux notres dans
le moment ou nous vivons. Cela est bien prouve depuis le 24 fevrier.
Nous l'avons vu, dans toutes les manifestations, communier en place
publique avec ses ennemis et sacrifier toutes ses haines legitimes,
tous ses ressentiments fondes, a l'idee de fraternite ou
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