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faire.
Sur le pont des Arts, nous entendons battre la charge et nous voyons
reluire aux torches, sur les quais, une file de baionnettes immense qui
reprend au pas de course le chemin de l'hotel de ville. Nous y courons:
c'etait la deuxieme legion, la plus bourgeoise de Paris et d'autres de
meme acabit, vingt mille hommes environ qui vociferaient a rendre sourd
cet eternel cri de _Mort a Cabet! Mort aux communistes!_ A coup sur, je
ne fais pas de Cabet le moindre cas; mais, sur trois hommes, dont il
est le moins mauvais, pourquoi toujours Cabet? A coup sur, Blanqui et
Raspail meriteraient plus de haine, et leur nom n'a pas ete prononce
une seule fois. C'est qu'ils ne representent pas d'idees, et que la
bourgeoisie veut tuer les idees. Demain, on criera: _A bas tous les
socialistes! A bas Louis Blanc!_ et, quand on aura bien crie: _A bas_
quand on se sera bien habitue au mot de _lanterne_, quand on aura bien
accoutume les oreilles du peuple au cri de _mort_, on s'etonnera que le
peuple se fache et se venge. C'est infame! Si ce malheureux Cabet se fut
montre, on l'eut mis en pieces; car le peuple, en grande partie, croyait
voir dans Cabet un ennemi redoutable.
Nous suivimes cette bande de furieux jusqu'a l'hotel de ville, et, la,
elle defila devant l'hotel, ou il n'y avait personne du gouvernement
provisoire, en beuglant toujours le meme refrain et en tirant quelques
coups de fusil en l'air. Ces bourgeois, qui ne veulent pas que le peuple
lance des petards, ils avaient leurs fusils charges a balle et pouvaient
tuer quelques curieux aux fenetres. Ca leur etait fort egal, c'etait une
bande de betes alterees de sang. Que quelqu'un eut prononce un mot de
blame, ils l'eussent tue. La pauvre petite mobile fraternisait avec eux
sans savoir ce qu'elle faisait. Le general Courtais et son etat-major,
sur le perron, repondaient: _Mort a Cabet!_
Voila une belle journee!
Nous sommes revenus tard. Tout le quai etait couvert de groupes. Dans
tous, un seul homme du peuple defendait, non pas Cabet, personne ne
s'en soucie, mais le principe de la liberte violee par cette brutale
demonstration, et tout le groupe maudissait Cabet et interpretait le
communisme absolument comme le font les vignerons de Delaveau. J'ai
entendu ces orateurs isoles que tous contredisaient; dire des choses
tres bonnes et tres sages. Ils disaient aux beaux esprits qui se
moquaient du communisme que, plus cela leur semblait bete, moins ils
devaient le pe
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